Un revêtement qui mime l’endothélium pour camoufler les stents
Essaimage du CEA, la société AlchiMedics développe un revêtement biomimétique destiné aux implants endovasculaires. Cette innovation majeure, qui est le fruit de travaux de recherche menés à l'Inserm, devrait apporter une solution durable à une problématique persistante depuis plus de 25 ans.
Considérés comme "corps étranger" par l’organisme, les dispositifs médicaux implantables engendrent souvent des problèmes cliniques (inflammation, toxicité, thrombose ou rejet immunitaire) pouvant nécessiter une nouvelle hospitalisation.
Face à cette problématique, l’évolution vers un niveau de biocompatibilité plus élevé est devenue un critère fondamental dans la conception, en particulier, des stents, prothèses vasculaires et autres implants endovasculaires. Ces dispositifs ont pour objectif non seulement de restaurer la circulation sanguine, mais aussi d'éviter des complications telles que la resténose (rétrécissement de l’artère après implantation) et la thrombose (formation de caillots sanguins).
Le rôle central de l'endothélium
Après implantation d'un dispositif endovasculaire, diverses complications peuvent survenir :
- activation des plaquettes, favorisant la formation de caillots sanguins ;
- inflammation chronique, retardant la guérison des vaisseaux ;
- fibrose excessive, réduisant l’élasticité des artères et aggravant les maladies cardiovasculaires.
Ces risques sont liés à une perturbation au niveau de l'endothélium, la couche la plus interne des vaisseaux sanguins, celle en contact avec le sang. Son rôle est central dans la régulation du flux sanguin et la prévention des maladies cardiovasculaires.
L'endothélium est composé de cellules (endothéliales) à la surface desquelles on trouve le CD31, une molécule qui est essentielle à l’homéostasie vasculaire, en permettant :
- la communication entre cellules endothéliales pour limiter l’inflammation,
- l’inhibition de l’agrégation plaquettaire, réduisant ainsi le risque de thrombose,
- une cicatrisation rapide et homogène des vaisseaux sanguins.
Des recherches menées par le Dr Giuseppina Caligiuri, cardiologue et directrice de recherche à l’Inserm, ont démontré que la perte de signalisation du CD31 après une lésion vasculaire accroît considérablement les risques de complications thrombotiques et inflammatoires.
Dr Giuseppina Caligiuri a présenté les résultats de ses travaux sur la technologie CD31 lors de la Journée Evénement Print'Up Institute du 22 janvier 2025 (https://urls.fr/QMW88h).
Or, l'implantation d'un dispositif comme un stent induit une "rupture de communication" au niveau de la partie de l'endothélium qu'il recouvre. Pour améliorer l'efficacité et la tolérance de ce type d'implant, il faudrait pouvoir rétablir la communication, en quelque sorte. C'est dans cette optique que Giuseppina Caligiuri a mené des travaux de développement d’un revêtement à base de peptides synthétiques, mimétiques du CD31.
Un revêtement biomimétique
Les expérimentations ont montré qu'il était ainsi possible d'atteindre trois objectifs :
- réduire l’adhésion des plaquettes et des leucocytes, minimisant ainsi le risque de thrombose,
- accélérer la cicatrisation endothéliale, facilitant l’intégration naturelle du stent,
- préserver une signalisation cellulaire normale, évitant l’inflammation chronique.
Cette technologie de revêtement "CD31", co-brevetée par l’Inserm et AlchiMedics, marque une avancée majeure en matière de biocompatibilité des dispositifs médicaux implantables.
Elle promet d'éliminer la thrombo-inflammation induite par tout implant en contact direct avec le sang, et ce sans recours aux antiagrégants plaquettaires. C'est une véritable révolution quand on sait que le traitement aux antiagrégants plaquettaires est actuellement incontournable pour ce type de dispositif, avec l'inconvénient d'une exposition de 30 à 40 % des patients à un risque accru d’accident hémorragique au cours de leur vie.
Grâce au revêtement CD31, les risques de complications associées aux implants vasculaires pourraient être considérablement réduits, améliorant ainsi la prise en charge des patients et leur qualité de vie.
Cette technologie vient s'ajouter à d'autres solutions développées par AlchiMedics pour le revêtement d'implants en cardiologie et neurologie interventionnelle. Ces solutions s’appliquent aux stents, greffons, obturateurs et valves cardiaques, tous implantés sans chirurgie, via les voies artérielles.
Une commercialisation par transfert de technologie
AlchiMedics a pour vocation de transformer les résultats de recherche en une technologie industrielle intégrable par ses clients, fabricants d'implants. L'entreprise industrialise le revêtement via des réactifs et équipements, établissant les protocoles de contrôle qualité appropriés. Elle transfère ensuite ce procédé stabilisé dans l’usine du client.
La société accompagne l’intégration et la formation des équipes jusqu’à l’autonomie du client. Sa rémunération est liée aux jalons de développement produit. Entre l’accord de licence et la validation du procédé, 1 à 2 ans sont nécessaires. Une fois les dispositifs médicaux mis sur le marché, l'entreprise perçoit des redevances sur les ventes de ceux-ci.
On notera que l’une des premières technologies développées par AlchiMedics, issue du CEA et baptisée électro-greffage, est aujourd’hui implantée chez plus de 2,2 millions de patients à travers le monde. Parmi les dispositifs bénéficiant de cette innovation, le stent coronaire HT Supreme, remboursé en France depuis septembre 2023, illustre son succès.