Fonctionnaliser des DM implantables grâce au CO2 supercritique
Solvant "vert" par excellence, le CO2 supercritique a de quoi séduire les fabricants d'implants. Il a fait ses preuves dans le nettoyage, et plus récemment dans la stérilisation, mais il permet aussi d'imprégner de médicament des implants en polymère, pour une administration contrôlée.
Par Elisabeth Badens, Professeur à l'Université Aix-Marseille, et Vincent Cadot, Président de Biotech One
Le CO2 en phase supercritique (CO2 sc) est un fluide obtenu en chauffant du CO2 liquide au-delà de 31°C et en le mettant sous pression à plus de 74 bar. Il présente une faible viscosité, proche de celle des gaz, et une masse volumique élevée comme celle des liquides, avec un pouvoir de diffusivité intermédiaire qui facilite sa pénétration en milieu poreux. On retiendra que les propriétés du CO2 sc en font un solvant neutre, non toxique, non polluant, et non inflammable.
Ecologique et économique
Le CO2 sc est particulièrement avantageux à utiliser pour le nettoyage de pièces, par comparaison aux méthodes conventionnelles utilisant des solvants organiques, nocifs pour l’homme et polluants pour l’environnement. Il est déjà exploité depuis plusieurs années pour le nettoyage à sec de certains dispositifs médicaux, comme des textiles implantables.
Permettant de se passer de tout composé toxique et d'eau, le nettoyage au CO2 supercritique ne génère aucun rejet et ne laisse aucune trace résiduelle de solvant dans le produit fini. Il se distingue aussi par un temps de traitement plus court, qui se traduit par une réduction de la consommation d’électricité comparativement aux procédés utilisant de l’eau avec détergents.
Par delà le nettoyage, le CO2 sc suscite actuellement un intérêt croissant dans l’industrie des dispositifs médicaux implantables, pour leur stérilisation mais également pour leur fonctionnalisation.
Une fonctionnalisation par imprégnation
La fonctionnalisation à l'aide de CO2 sc offre les atouts évoqués précédemment pour le nettoyage mais aussi d’autres avantages liés à la faible température de traitement (entre 35 et 50°C) et à la bonne diffusivité du CO2 sc au sein des polymères. Il est ainsi possible d’imprégner des implants de médicaments (antibiotiques, anti-inflammatoires, anti-cancéreux…), de manière homogène et en profondeur, de façon à assurer un relargage contrôlé dans le temps après mise en place dans le corps du patient.
Les taux d'imprégnation d’un principe actif pharmaceutique au sein d’un implant polymérique vont dépendre des différentes conditions opératoires (pression, température et durée du procédé). Pour chaque couple polymère / principe actif à imprégner, il faut caractériser la thermodynamique et la cinétique de sorption du CO2 afin d’optimiser le procédé d’imprégnation.
Améliorer les traitements de DM avec des procédés vertueux
Biotech One a pour vocation d’accélérer le transfert de technologies innovantes entre la recherche fondamentale et l'industrie dans divers secteurs associés au biomédical. L'entreprise s'appuie sur des technologies éco-responsables pour aider les industriels à concevoir, développer, optimiser et mettre en œuvre des procédés propres. Elle propose son savoir-faire en matière d'études de faisabilité et preuves de concept, de validation et de tests pilotes, et d'étude du changement d'échelle.
Concernant plus particulièrement les dispositifs médicaux, Biotech One est en mesure d'aider les industriels à améliorer leurs procédés :
- de nettoyage (élimination des huiles d’ensimage, de résidus de solvants organiques, de monomères ou d’oligomères…),
- de stérilisation sans produits toxiques ni irradiations,
- de fonctionnalisation d'implants sans solvants organiques.
Une fois ces études de faisabilité réalisées, la validation et l'optimisation du procédé puis l’étude du changement d’échelle permettent aux fabricants de DM d’introduire sur site ces nouveaux procédés plus propres et plus efficaces. Les conditions opératoires optimales doivent permettre de maintenir les propriétés mécaniques et fonctionnelles de l'implant, tout en minimisant la consommation énergétique.
On notera que la cinétique de relargage du principe actif varie en fonction de la nature du polymère (hydrophilie ou hydrophobie, masse molaire moyenne, degré de cristallinité et réticulation,...) et du médicament, mais également du milieu (renouvellement ou non des fluides environnants, pH...). Lorsque l'implant est résorbable, le relargage va dépendre en partie des conditions de dégradation ou d'érosion du polymère. Le relargage peut donc se faire sur des durées très variables, allant de quelques heures à plusieurs mois.
Des bénéfices bientôt sur le marché
En résumé, l’imprégnation par CO2 sc de principes actifs dans les implants polymériques offre de nombreux avantages par rapport aux procédés actuels :
- pas d'utilisation de solvants organiques,
- obtention d'un produit fini sans traces résiduelles de composés toxiques,
- maintien des propriétés des polymères thermosensibles,
- possibilité d’élaborer des systèmes à libération contrôlée de médicaments de manière à assurer un relargage prolongé dans le temps après implantation du DM.
Plusieurs travaux de recherche et développement sont actuellement en cours pour mettre sur le marché, à moyen terme, des dispositifs médicaux de différentes natures imprégnés mais aussi stérilisés en milieu supercritique.