La personnalisation serait-elle la clé de soins plus efficaces et moins coûteux ?
Améliorer la qualité, la cohérence et l'efficacité tout en économisant de l'argent : cette philosophie du "Lean" peut s'appliquer au domaine de la santé, grâce à la personnalisation des soins. C'est ce que nous explique Brigitte de Vet-Veithen, vice-présidente de Materialise Medical.
Par Brigitte de Vet-Veithen, vice-présidente de Materialise Medical
Mise en œuvre avec succès dans l'industrie, notamment le secteur automobile, la méthode Lean est principalement destinée à réduire le gaspillage et augmenter la productivité.
Il n'est pas étonnant que cette philosophie de la production moderne commence à susciter de l'engouement dans le domaine de la santé. La plupart des établissements hospitaliers à travers le monde ont en effet beaucoup de difficultés à améliorer les soins aux patients tout en maintenant leur rentabilité.
GIRFT : un exemple à suivre ?
Parmi les différentes initiatives adoptées dans le paysage mondial des soins de santé, le programme GIRFT (Getting It Right First Time) est un exemple qui mérite d'être considéré de près.
Déployé au sein du système de santé britannique, le GIRFT vise à améliorer la qualité des soins tout en faisant économiser 1,5 milliard de livres par an au NHS (National Health Service). Pour ce faire, le programme se base sur les meilleures pratiques, processus et solutions à même d'améliorer véritablement les résultats, aussi bien pour les patients que pour les organismes de santé.
Dans ce contexte, la personnalisation des soins joue un rôle majeur. Plus largement, cette personnalisation peut être la clé de l'adoption de la méthode Lean dans le domaine de la santé partout dans le monde.
S’aligner sur les meilleures pratiques
Le GIRFT est le fruit d'une étude préliminaire menée par le professeur et chirurgien orthopédiste Tim Briggs. Cette étude a révélé que les taux d'infection post-opératoires des patients ayant subi une opération de pose d'une prothèse de hanche ou de genou variaient de 0,2 à 4,5 %. Tim Brings s'est demandé pourquoi et a avancé l'idée que si les procédures utilisées par les hôpitaux obtenant le taux de 0,2 % étaient suivies par tous les autres, cela diminuerait considérablement le nombre d'infections. Cela permettrait aussi d'éviter des traitements inutiles, notamment des opérations de remplacement. Au bout du compte, on obtiendrait une réduction importante des coûts supportés par le NHS tout en améliorant les résultats des patients.
Et il avait bien raison. Car suite à l'enquête pilote, 70 fondations hospitalières ont déclaré avoir réalisé des économies pouvant atteindre 30 millions de livres. Aujourd'hui, la méthodologie du GIRFT est en cours de déploiement dans plus de 40 champs de travaux chirurgicaux et médicaux au sein du NHS.
Les cliniciens de première ligne et les experts d'un domaine médical particulier se réunissent dans ces groupes hospitaliers pour examiner et discuter des difficultés rencontrées par leurs collègues, des procédures et processus utilisés, ainsi que des résultats constatés. L'idée derrière ces démarches est de dupliquer les meilleures pratiques dans l'ensemble du système, et d'abandonner les processus inutiles et injustifiés. L'objectif est d'identifier des solutions fournissant des soins de qualité susceptibles d'aider à réduire les variations. Ces variations correspondent en fait à l'étendue des approches qui aboutissent aux différents taux d'infection mentionnés précédemment.
Adopter la personnalisation pour éliminer les variations
Pourquoi mettre l'accent sur la personnalisation lorsque l'objectif est d'éliminer les variations dans les procédures et les traitements ?
Chaque cas étant traité "sur mesure", une approche personnalisée ne se traduirait-elle pas par une augmentation des variations plutôt que par une réduction ?
Eh bien non, au contraire ! Car dans ce cas particulier, la personnalisation devient en réalité une approche cohérente. Elle représente la meilleure stratégie pour aborder une réalité simple : chaque individu est unique. Ce qui fonctionne pour un patient ne fonctionnera souvent pas pour un autre, même si leur problème est le même à la base, en particulier dans le domaine de la chirurgie.
En analysant les rapports cliniques en chirurgie orthopédique, on peut constater que dans le cas d'implants génériques, environ 15 % des reprises de complications d'arthroplastie se soldent par un échec, et que le taux d'échec des reprises subséquentes est trois fois supérieur.
Par opposition, un implant de hanche personnalisé comme la prothèse aMace imprimée 3D de Materialise affiche des taux de survie d'implant de 98 % et un taux de satisfaction des patients de 100 %.
Des études récentes* ont également fait état, en moyenne par cas, d'économies de 1488 $ et de gains de temps de 23 minutes au bloc opératoire lors de l'utilisation de guides chirurgicaux sur mesure imprimés en 3D.
Les multiples avantages offerts par les outils de planification chirurgicale ainsi que par les guides et implants personnalisés sont valables pour tout un éventail de traitements chirurgicaux. Et certains d'entre eux ont déjà été mis en exergue par le programme GIRFT.
Une bonne préparation individualisée pour une meilleure anticipation
Grâce aux visualisations 3D ainsi qu'aux simulations procédurales et des tissus mous, les équipes chirurgicales peuvent disposer d'un plan personnalisé pour chaque opération. Elles sont ainsi en mesure de prévoir ce qui les attend au bloc opératoire et d'adopter la meilleure approche par voie de conséquence. En outre, avec les guides imprimés en 3D, ce plan peut être mis en œuvre avec une précision accrue pour chaque cas.
Concernant la réduction du temps passé sur la table d'opération, on notera qu'elle a été spécifiquement mise en avant dans le rapport du GIRFT sur les interventions cranio-maxillo-faciales (CMF). L'expérience de Materialise dans ce domaine, en particulier sur des guides chirurgicaux en 3D, a d'ailleurs valu à l'entreprise d'être mentionnée dans ce rapport. Comme dans le domaine de l'orthopédie, les équipes de CMF sont de plus en plus familières de ces techniques et des bons résultats qu'elles permettent d'obtenir.
Grâce aux développements actuels dans les domaines de l'intelligence artificielle, de la réalité augmentée et de la modélisation prédictive, sources d'une amélioration constante des outils disponibles, la précision et la prévisibilité suivront indéniablement le même chemin.
Dans le même ordre d'idée, la planification optimale et les outils utilisés pour y parvenir aident les patients à mieux comprendre la procédure et les résultats auxquels ils peuvent s'attendre. En 2017/2018, les plaintes pour négligence contre le NHS ont été chiffrées globalement à environ 2,2 milliards de livres. Même si les erreurs chirurgicales n'en représentent qu'une partie, on ne peut pas ignorer cette opportunité de limiter les risques de litige.
Réplicable, accessible et réalisable
La planification chirurgicale et l'utilisation de dispositifs personnalisés sont des approches reproductibles que tout hôpital peut adopter de manière efficace et durable.
Les solutions de planification 3D sont facilement accessibles, qu'elles soient externalisées ou produites en interne. En outre, de plus en plus d'hôpitaux utilisent des services logiciels pour permettre la production de visuels et d'outils imprimés sur le lieu d'intervention.
C'est ce que signifie l'adoption de la méthode Lean dans le domaine des soins de santé. Dans cette optique, je suis certaine que nous connaîtrons un avenir personnalisé qui bénéficiera aussi bien aux patients qu'aux médecins, au système de santé et à la société ; et je m'en réjouis !
* Bollard et al., Medical 3D Printing Cost-Savings in Orthopedic and Maxillofacial Surgery, Science Direct, 2019.