Evaluation clinique et valorisation des DM connectés à l’ère future du RDM
Lors de la 9ème journée de la Recherche Clinique organisée par l’AFCROs, deux industriels du dispositif médical connecté ont tenu un atelier où ils ont évoqué les incidences du nouveau règlement dans leur domaine. Chloé Connan a accepté de s'en faire l'écho dans DeviceMed.
Par Chloé Connan, membre du groupe AFCROs-DM
L’entrée en vigueur imminente du règlement sur les dispositifs médicaux (MDR 2017/745), impose aux acteurs du dispositif médical (DM) et notamment des DM connectés (DMC) une compréhension parfaite des enjeux pour répondre au mieux à ses exigences.
Relativement récents, les DMC sont définis par la HAS comme des DM marqués CE qui disposent d’une fonction de télécommunication et peuvent être destinés au diagnostic ou à la prise en charge de patients. Cela couvre un large périmètre d’action, qui s'étend par exemple du fauteuil roulant assisté à l’implant neuronal.
Si la nécessité d’apporter la preuve de la performance clinique était simplement recommandée dans la Directive, le MDR exige quant à lui d’apporter "la preuve clinique de la performance en quantité et qualité suffisante", et de sécuriser les données collectées à la fois dans le cadre de l’étude et à des fins d'utilisation. Mais ces points soulèvent de nombreuses interrogations quant à leur juste interprétation.
Quelles preuves cliniques fournir pour un premier marquage CE ?
C’est sur cette thématique que s’est tenu un atelier à l'occasion de la 9ème journée de la Recherche Clinique organisée par l’AFCROs, association française des entreprises de la recherche clinique.
Pour alimenter la discussion, deux industriels du DMC, Laurent Morin (Directeur des Affaires Médicales chez PhysioAssist) et Geneviève d’Orsay (Directrice médicale chez Voluntis), sont venus partager leur expérience.
Bien qu’aucune méthodologie clinique ne soit précisée dans le MDR, la HAS recommande d’appliquer le gold standard de l’évaluation clinique : l’essai randomisé contrôlé (RCT), si possible en double aveugle, et insiste sur l’importance d’inclure le critère d’acceptabilité de la technologie par le patient. Cependant, ces études sont difficilement applicables aux DMC.
Les RCT sont réalisés sur une longue durée (entre 2 et 10 ans), et ne sont pas compatibles avec le cycle de vie du DMC (court et en constante évolution), ni en accord avec les réglementations du DM en général (qui évolue plus rapidement que les essais cliniques). Toutefois, en fonction du temps et du budget alloué au DMC, la stratégie pour obtenir les premières données de sécurité et de performance pourra s’orienter vers la mise en place d’études observationnelles ou pilotes. Quel que soit le type d’étude envisagé, nos deux industriels ont insisté sur l’intérêt d’initier une rencontre précoce avec les autorités (ANSM, HAS) afin d’obtenir un avis préliminaire sur le protocole proposé.
Le cycle de vie des DMC est court puisque leurs principales caractéristiques sont d’être adaptables et évolutifs. Dans ce sens, la notion même d’"évolution" doit être précisée pour les DMC et harmonisée pour l’ensemble des instances internationales (FDA, HAS). Bien que les RCT ne permettent pas, durant leur cours, d’intégrer des évolutions de systèmes en fonction des retours utilisateurs, il est toutefois possible de prévoir ces modifications/évolutions au protocole et d’élaborer un plan de gestion des risques associés.
Enfin, il convient de noter que les critères cliniques adaptés à l’évaluation des médicaments (de type biomarqueurs) ne sont pas toujours pertinents pour des DMC. Des critères d’évaluation des bénéfices globaux pour le patient doivent être définis, comme par exemple l’amélioration de l’observance par le patient, et donc, indirectement, l’amélioration de sa prise en charge et de sa qualité de vie.
Quid de la protection des données et de leur utilisation hors étude ?
Le cadre global de la protection des données personnelles pour les études cliniques en France relève du RGPD et de la loi Informatique et Libertés, dont la CNIL est garante. Bien qu’aucune disposition particulière vis-à-vis des DMC ne soit disponible, la CNIL précise toutefois l’importance de mettre en place un haut niveau de sécurité compte tenu de l’importance du flux et de transfert de données. Utilisées dans le cadre du soin, ces données nominatives doivent être stockées par un hébergeur agréé pour les données de santé, ce qui n’est pas le cas pour les données utilisées dans le cadre d’une étude clinique puisqu’elles sont cryptées et pseudonymisées, ce qui limite les violations possibles. Quelle que soit la finalité, il est nécessaire de préciser les méthodes de sécurisation des données, et d’assurer un suivi de l’utilisation de ces données personnelles au patient.
Valoriser le DMC pour son accès au marché et son remboursement
Ici aussi, la HAS et la CNEDiMTS doivent être sollicitées pour les conditions d’accès au remboursement. Les critères d’évaluation, présentés dans un guide spécifique CNEDiMTS, sont similaires à ceux utilisés dans l’industrie pharmaceutique et reposent sur l’évaluation de l’impact médico-économique, l’argumentation du caractère de besoins non couverts, et sur l’assurance de la non-régression du service médical rendu (SMR) sur le long terme. La technologie doit également permettre l’ouverture à l’intelligence artificielle (IA).
En conclusion...
Le MDR implique un changement de paradigme, où l’évaluation du DM se calque désormais sur des critères d’évaluation similaires à ceux des médicaments. Dans un contexte où de nombreuses incertitudes persistent quant à la juste interprétation du MDR pour les DMC, il est plus que jamais nécessaire de se rapprocher des autorités, ON et syndicats professionnels, pour travailler à des stratégies d’évaluation propres au DMC, et d’élaborer des guidelines, en plaçant le patient au centre de la conception et du développement du DMC. Un travail de fond avec l’ensemble des acteurs semble donc nécessaire pour que ce domaine, extrêmement innovant, puisse évoluer rapidement.