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Evaluation clinique des DM : retour sur la journée AFCROs & DM 2023

Publié le 18 mars 2024 par Romain FOURNIER
L'édition 2023 de la journée AFCROs & DM a réuni plus de 130 participants.
Crédit photo : AFCROs

La rencontre annuelle AFCROs & DM s'est tenue le 23 novembre dernier à Paris. L'association, qui réunit les entreprises françaises de la recherche clinique, nous propose ici un résumé des informations clés recueillies au cours de ce rendez-vous dédié au dispositif médical.

Delphine Ladarré (Crédit photo : AFCROs)

Par Delphine Ladarré du groupe AFCROs-DM.

C'est au Business Center Paris Trocadéro que s'est tenue le 23 novembre dernier l'édition 2023 de la journée AFCROs & DM. Cette année, l'événement a réuni plus de 130 participants, qu'il s'agisse d'industriels, d'académiques ou de CRO.

La journée a débuté avec un passage en revue, par Julie Oheix Tiravy du Snitem, des actualités françaises et européennes relatives à la réglementation des dispositifs médicaux. La période de transition a été rallongée en 2023, ce qui permet de commercialiser certains legacy devices jusque fin 2028. Néanmoins, afin de bénéficier de cet allongement, plusieurs conditions doivent être respectées dont : (i) un certificat MDD valable ; (ii) l’absence de modifications sur le legacy device ; (iii) la surveillance post-commercialisation selon le MDR ; (iv) un contrat d’évaluation MDR signé avec un organisme notifié avant le 26 septembre 2024. Cette dernière condition implique également un dépôt de demande formelle auprès d’un organisme notifié avant le 26 mai 2024.

Concernant la mise en place d’Eudamed, les modules "Acteur", "UDI/dispositifs", "Organisme notifié", "Certificats et Surveillance du marché" seront mis en production en février 2024. Pour ce qui est du module "Vigilance", un retard supplémentaire est annoncé avec une éventuelle mise en production courant 2024. Le développement du module "Investigations Cliniques" est quant à lui suspendu et ne sera repris qu’une fois tous les autres modules fonctionnels, avec une disponibilité envisagée au plus tôt mi-2027. En ce qui concerne la mise en place pratique des investigations cliniques, la Commission européenne a publié en 2023 la structure du résumé d’une investigation clinique (2023/C 163/06). Il a également été rappelé que selon l’article 77 du MDR, le promoteur a un an à compter de la fin de l’investigation clinique (3 mois en cas d’arrêt prématuré) pour envoyer aux autorités compétentes le rapport complet de l’étude.

Pour finir, Julie Oheix Tiravy a fait part des projets en cours de guides MDCG relatifs aux investigations cliniques : un guide sur la brochure investigateur, un autre sur le plan d’investigation clinique et une mise à jour du guide MDCG 2021-6 (publiée depuis la date de l’événement).

Etudes en vie réelle et attentes de la HAS

« La CNEDNiMTS est tout à fait favorable à l'utilisation des données d'études cliniques en vie réelle. »

Hubert Glamiche, Haute Autorité de Santé (HAS)

Hubert Galmiche de la HAS a ensuite pris la parole au sujet des attentes de la HAS sur les études rétrospectives et études en vie réelle. Contrairement aux idées reçues, les études en vie réelle peuvent être complexes à mettre en place (peu de registres de qualité déjà existants, difficultés d’accès aux données secondaires, i.e. SNDS, entrepôts de données hospitaliers, DM connectés…, difficultés d’inclusions) et ont donc un coût non négligeable. Il a été rappelé que la HAS a publié un guide très utile "Etudes en vie réelle pour l’évaluation des médicaments et des dispositifs médicaux".

Sur 116 dossiers évalués par la CNEDNiMTS au premier semestre 2022, 53 disposaient de données en vie réelle dont 18 sur des études post-inscription. 64 % de ces dossiers concernaient des DM de classe III et 50 % concernaient des demandes de premières inscriptions.

Pour les dossiers de demandes d’inscription contenant des données d’études en vie réelle, 81 % des dossiers ont été jugés suffisants. Ainsi, l’utilisation des données en vie réelle est devenue très fréquente dans les dossiers déposés à la CNEDNiMTS et la commission y est tout à fait favorable. A noter que la CNEDNiMTS a fortement rationalisé ses demandes d’études post-inscription ces dernières années avec 21 demandes en 2019 contre seulement 10 en 2022.

Dossiers techniques soumis sous MDR : l'expérience de SGS Belgique

Virginie Siloret de SGS a insisté sur la bonne préparation des dossiers soumis aux organismes notifiés car chaque non-conformité fait l’objet d’une revue supplémentaire et donc d’une prolongation du délai. Elle a également présenté les non-conformités les plus courantes, en particulier le fait que plus de 50 % des dossiers techniques soumis soient incomplets. La difficulté à localiser un fichier du dossier ou l’absence de sommaire peuvent aussi engendrer des non-conformités. Il faut également être attentif à ce que l’analyse de risques et l’évaluation clinique couvrent bien toutes les indications du DM et aussi bien justifier la stratégie d’évaluation clinique, notamment lorsque l’article 61.10 est revendiqué. En conclusion, il est recommandé de faire revoir le dossier par un expert règlementaire externe à la société avant la soumission à l’organisme notifié.

Retour d'expérience des Comités de Protection des Personnes

Timothy Perera de la Conférence Nationale des Comités de Protection des Personnes (CNCP) a indiqué que depuis la mise en place du MDR, 78 dossiers de demandes d’investigation clinique avaient été étudiés par les Comités de Protection des Personnes (CPP) français. Les questions des CPP faisaient majoritairement suite à :

  • une non-différenciation entre critères d’inclusion et critères d’exclusion dans le protocole ;
  • un temps de réflexion du patient avant signature du consentement trop court ;
  • un transfert de données hors UE sans garantie de droits équivalents ;
  • une attestation d’assurance incomplète ou erronée ;
  • une attestation de formation aux bonnes pratiques cliniques absente ;
  • des CVs incomplets ;
  • des fautes d’orthographe (!), notamment dans les notes d’information patients.

En conclusion, à l’instar des dossiers techniques, les dossiers de demande d’autorisation d’investigation clinique doivent être bien préparés, soignés et revus avant soumission.

DM-DIV : mise en œuvre d’études, méthodologie et cadre règlementaire

Une table ronde dédiée aux DM de diagnostic in vitro (DM DIV) a été animée par Maurice Bagot d’Arc (BluePharm/AFCROs). Elle a réuni Marta Carnielli (TÜV SÜD), Nicolas Fortin (Biomérieux) et Alexandra Prieux (Alcediag). Le règlement européen 2017/746 concernant les DM-DIV (IVDR) est entré en vigueur le 26 mai 2022 et a été modifié depuis, début 2023, pour permettre une prolongation des périodes transitoires. Les intervenants de cette table ronde ont indiqué les difficultés des fabricants de DM-DIV à passer le cap de l’IVDR. Tout d’abord, il y a un déficit d’organismes notifiés pour ces dispositifs (seulement 12 actuellement). Tout comme pour les DM, les délais de certifications sont allongés (en moyenne 1,5 ans pour un DM-DIV). Les fabricants de DM-DIV ont dû également engager des ressources supplémentaires afin de préparer leurs dossiers techniques sous IVDR. Concernant les études cliniques de performances, l’IVDR a défini une nouvelle notion, celle des "études interventionnelles de performance clinique" dans lesquelles les résultats du DM-DIV testé peuvent influencer les décisions médicales. Les demandes d’études cliniques sont plus conséquentes et demandent plus de travail de préparation. Il est notamment indispensable désormais, avec l’IVDR, de justifier les données collectées, le choix de la population, la méthodologie… De plus, pour les DM-DIV de classe D, les tests de performance devront maintenant être réalisés par des laboratoires externes indépendants et agréés par la Commission européenne (liste publiée le 5 décembre 2023 : EU 2023/2713). Cette obligation risque d’allonger encore plus les délais d’obtention de marquage CE sous MDR.

Evaluation et Investigation Clinique : théorie et retours d’industriels

Morgane Champiot (RCTs/AFCROs) a rappelé la différence entre évaluation et investigation clinique ainsi que le lien entre ces deux activités. L’évaluation clinique est un processus règlementaire, planifié et systématique, visant à résumer, analyser et évaluer en continu toutes les données cliniques relatives à un DM au regard de l’état de l’art afin de vérifier sa sécurité clinique, ses performances cliniques, ses bénéfices cliniques et l’acceptabilité du rapport bénéfices/risques. L’investigation clinique est une investigation, planifiée et systématique, sur sujet(s) humain(s) destinée à collecter des données cliniques relatives à un DM pour évaluer la sécurité clinique, les performances cliniques et les bénéfices cliniques.. Avant de conduire une investigation clinique, il est très utile de débuter le processus d’évaluation clinique en réalisant un état de l’art. Ainsi, le design de l’investigation clinique pourra être défini à l’aide des éléments trouvés lors de ces recherches bibliographiques et des revendications du DM. Une fois l’investigation clinique terminée, les résultats permettront d’alimenter le rapport d’évaluation clinique.

Sylvie Lebeau (Cristallens), Flora Peyret (Novastep) et Thomas Zuber (Emagina) ont fait part de leurs expériences sur ces sujets. Pour les DM marqués CE sous MDD, un gap analysis a été réalisé. Pour certains, il a fallu procéder à des investigations cliniques spécifiques afin de compléter l’évaluation clinique (l’équivalence ne pouvant plus être revendiquée sous MDR). Pour d’autres, une stratégie WET (Well Established Technology) a pu être mise en place (Article 61.6 du MDR) et aucune investigation clinique n’a été effectuée pour réaliser la transition MDD/MDR. Pour les DM non marqués CE sous MDD, la conduite d’investigations cliniques est devenue bien plus fréquente sous MDR du fait des exigences de ce nouveau règlement en termes de démonstration des bénéfices cliniques ainsi que de la difficulté de revendiquer une équivalence qui était, sous MDD, la voie de choix d’une grande partie des fabricants.

DM et IA : certification des DM embarquant de l'IA

La dernière table ronde de la journée concernait l’Intelligence Artificielle (IA) dans les DM. J’ai eu le plaisir de l’animer aux côtés d’Arnaud Charnoz (Visible Patient), Alexandre Parpaleix (Milvue) et Emmanuel Cuny (Rebrain). Afin de certifier un DM embarquant de l’IA, il est essentiel de bien travailler le dossier de conception, notamment en prenant soin de tracer les modèles et données utilisés au fur et à mesure du développement. Concernant les données d’apprentissage et de validation, tous les intervenants étaient unanimes : mieux vaut privilégier la qualité à la quantité !

Le dossier de gestion des risques est également essentiel pour obtenir le marquage CE. Actuellement, la grande majorité des résultats médicaux obtenus par des IA sont soumis à la revue d’un médecin. Seul le médecin est alors décideur de la prise en charge du patient, ce qui tend à réduire le risque d’utilisation de l’IA.

La discussion a aussi porté sur les IA "lockées" et "non lockées". Une IA "non lockée" continue à apprendre après sa mise sur le marché alors qu’une IA "lockée" n’apprend plus. Bien que l’obtention d’un marquage CE soit très long sous MDR, les intervenants ont indiqué qu’actuellement, il est préférable de certifier des IA "lockées" et recertifier ensuite les nouvelles versions à chaque nouvel apprentissage plutôt que de tenter de certifier une IA "non lockée" qui pose des questions quant au suivi post-commercialisation de cet apprentissage constant.

L’IA remplacera-t-elle un jour les médecins ? Les intervenants ont répondu unanimement : « Non ». L’IA est une aide précieuse pour les médecins mais leur savoir théorique et pratique ne saurait être remplacé par des machines.


www.afcros.com

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