Comment anticiper la disponibilité des données cliniques d’un DM ?
Le RDM, qui entrera en application en mai 2020, définit l'exigence de données cliniques mais il ne donne pas de clés pratiques pour les produire. Dans cet article, Jean-Pierre Meunier recense les premières démarches à effectuer avant de procéder à une investigation clinique.
Par Jean-Pierre Meunier, MD, Directeur Associé de la CRO Axonal-Biostatem
Le Règlement européen DM 2017/745 (RDM) stipule l'obligation pour un fabricant d'apporter la démonstration de la conformité de son dispositif avec les exigences générales en matière de sécurité et de performances, cette démonstration devant comprendre une « évaluation clinique » (Chap. II, Art.5, §3). Cette exigence s’applique à tous les dispositifs médicaux, quelle que soit leur classe.
Le RDM a précisé la définition de deux notions importantes en lien avec l’évaluation clinique :
- les « performances cliniques » : elles traduisent la capacité d'un dispositif, du fait de tout effet médical direct ou indirect résultant de ses caractéristiques techniques ou de son fonctionnement, y compris en matière de diagnostic, à atteindre sa destination telle qu'indiquée par le fabricant et à produire de ce fait un bénéfice clinique pour les patients, lorsque ce dispositif est utilisé comme prévu par le fabricant ;
- et le « bénéfice clinique » : il se traduit par une incidence positive d'un dispositif sur la santé d'une personne physique, par un ou des résultats cliniques significatifs, mesurables et pertinents pour le patient, y compris les résultats en matière de diagnostic, ou bien par une incidence positive sur la prise en charge de la santé du patient ou plus globalement sur la santé publique.
Autrement dit, quel que soit le degré d’innovation technique d’un dispositif, l’évaluation clinique devra démontrer un intérêt pertinent, direct et significatif pour les patients, voire pour les professionnels de santé et le système de soin.
Aucune précision quant à la collecte des données cliniques exigées
Un fabricant doit s’interroger en premier lieu sur les données cliniques déjà disponibles dans l’environnement du produit et sur celles à générer pour son dispositif. Dès ce stade, il faut souligner que ces données ne seront pas nécessairement de nature identique, selon qu’il s’agisse d’obtenir le marquage CE, le remboursement ou de répondre aux attentes d’un suivi clinique après commercialisation (SCAC). Elles varient naturellement aussi selon la classe du dispositif.
Pour mémoire, rappelons que les données attendues sont définies dans le RDM au Chapitre VI (Évaluation clinique et investigations cliniques), dans l’Annexe XIV (Évaluation clinique et SCAC) et dans l’Annexe XV (Investigations cliniques). Le fabricant connaît donc en théorie les exigences auxquelles il doit se soumettre mais force est de reconnaître que sur le plan pratique, aucune solution concrète ne lui est proposée. Il lui incombe en effet de déterminer lui-même le type de données à produire et la méthodologie de recueil et d’analyse, lesquels dépendent de l’environnement du DM et des données déjà disponibles. Il doit également défendre ses choix. Cette démarche doit être proactive et spécifique à son dispositif ; il lui faut aussi recueillir les données disponibles sur toutes les solutions déjà existantes revendiquant les mêmes indications (autre DM, médicament…).
Premières actions indispensables au lancement d'une évaluation clinique
Il est tout d’abord fortement recommandé aux fabricants de se préoccuper des données cliniques dès qu’ils définissent le positionnement de leur dispositif et leur stratégie d’accès au marché. A ce stade, l’environnement concurrentiel commence à être connu et l’industriel pressent quelles données et quelles études seront nécessaires pour l’accès au marché. Si cela s’avère complexe et indécis, il doit se faire aider par des professionnels compétents sur ces sujets.
Il convient aussi de rechercher des expertises cliniques auprès des médecins et/ou chirurgiens experts du domaine thérapeutique concerné par le dispositif. Si le fabricant a un partenariat privilégié avec l’un d’entre eux car il a participé au développement de son dispositif, cela ne suffira pas. Rapidement il sera nécessaire de s’appuyer sur un comité de plusieurs experts pour discuter de l’intérêt du dispositif au plan médical, certains pouvant se situer dans un autre pays que la France si cela est pertinent.
La deuxième action consiste à maîtriser son environnement concurrentiel et à constituer une documentation la plus complète possible sur les données cliniques du contexte concerné. Une analyse bibliographique quasi exhaustive est nécessaire. Il faut disposer des recommandations professionnelles souvent édictées par les sociétés savantes et rechercher les données cliniques publiées, les résumés des études réalisées par la concurrence, en particulier pour l’accès au remboursement.
Une fois que le fabricant dispose du comité d’experts et des données publiées, il peut commencer à définir les données cliniques qui seront nécessaires, et à concevoir un plan d’investigation clinique. C’est alors qu’il devra aussi impliquer un consultant externe et/ou une CRO pour participer à la réflexion, apporter une expertise méthodologique, une expérience utile à la faisabilité et des estimations budgétaires. Quand il aura défini son synopsis de protocole, il saura les données à générer, selon quelle méthodologie, et les résultats à produire, dans quel délai et pour quel coût. A partir de ce moment-là, il disposera d’une base solide permettant des discussions précoces avec l’Organisme Notifié et avec les autorités.
En conclusion, il est indispensable d’anticiper au maximum les actions permettant de disposer de données cliniques, et souvent de s’appuyer sur des expertises externes pour être pertinent et plus rapide.