2021 : les nouvelles pratiques de la recherche clinique sur les DM
Les changements réglementaires et normatifs, le progrès technique, les évolutions éthiques, la crise sanitaire : autant de facteurs qui ne sont pas sans conséquence sur la conduite des études cliniques aujourd'hui. Evamed fait le point sur le sujet, tout en abordant les perspectives d'avenir qui se dessinent.
Par Fabien Leclercq, dirigeant fondateur de la société Evamed
La recherche clinique sur les dispositifs médicaux a connu ces dernières années une révolution, aussi bien sur le plan réglementaire et éthique qu’au niveau méthodologique ou technique. Amorcée par la Directive 2007/47/CE, la convergence des pratiques cliniques entre le médicament et le dispositif médical trouve son aboutissement aujourd’hui, tout en s’accompagnant d’un nouveau paradigme de protection des données personnelles et d’évolution des pratiques qui vont s’imposer dans les années à venir.
Une augmentation générale du niveau d'exigence des autorités
De nombreuses modifications structurantes sont d’ores et déjà en application. En premier lieu, l’industrie a dû s’organiser pour répondre à une nouvelle doctrine des autorités, qu’il s’agisse du marquage CE ou du remboursement. Le règlement européen pour les dispositifs médicaux à proprement parler n’a pas changé la façon de concevoir ou de conduire les études. En revanche, il en a imposé la réalisation quasiment systématique pour l’ensemble des dispositifs médicaux, que ce soit pour la collecte de données en propre sur le produit avant commercialisation, ou pour sa surveillance tout au long de la vie. Les exigences liées au remboursement ont elles aussi évolué. En France, l’inscription de nouveaux produits en nom de marque exige désormais un très haut niveau de preuve de l’amélioration du service médical rendu, et de plus en plus d’études post-inscription sont demandées. La qualité de vie du patient devient un critère d’évaluation prépondérant, et les protocoles font maintenant l’objet d’audits préalables via des rendez-vous précoces avec les services de la HAS.
Le RGPD a renforcé l'information et les droits des patients
La recherche clinique a également été marquée par un nouveau cadre de protection des données personnelles. On observe tout d’abord une tendance à la simplification – pour une fois ! –, grâce aux méthodologies de référence de la CNIL qui fixent les règles à respecter et permettent de remplacer le processus complexe de demande d’autorisation par une déclaration de conformité. Le Règlement Européen pour la Protection des Données personnelles a complexifié, en revanche, l’organisation des études. Les promoteurs – et les CROs – doivent procéder à la nomination d’un Délégué à la Protection des Données (ou Data Protection Officer) en charge de superviser, pour chaque étude, une analyse de l’impact sur la vie privée. L’information patient et le recueil du consentement ont évolué et sont désormais plus exhaustifs. L’exercice de nouveaux droits pour le patient (correction, opposition, limitation, portabilité…) demande la mise en place de procédures spécifiques. De même, l’obligation de notification des autorités et d’information des patients des violations de données personnelles nécessite une organisation dédiée chez le promoteur.
La maîtrise des risques, pierre angulaire de l'étude
La méthodologie de réalisation des études a évolué, marquée par la mise à jour en 2020 de la norme ISO 14155 consacrée aux bonnes pratiques cliniques des investigations sur dispositifs médicaux. La modification principale porte sur l’introduction d’une logique de maîtrise des risques tout au long de l’étude, et en particulier dans l’organisation du contrôle qualité (que l’on qualifie de Risk Based Monitoring). Autre évolution notable, la norme est désormais applicable aux études observationnelles, qui vont donc voir leur niveau méthodologique sensiblement augmenter.
Des discussions au niveau européen
L'Europe réfléchit actuellement à deux thématiques sur le plan éthique et technique :
- Le monitoring à distance des données sources tout d’abord, dont le besoin s’est fait cruellement sentir pendant la crise sanitaire et la fermeture des hôpitaux aux personnels extérieurs, et qui devrait trouver un usage pérenne si les conditions de fiabilité et de protection des données sont réunies.
- Le consentement électronique des patients en second lieu, qui attend un cadre législatif favorable, même si les solutions techniques existent déjà. Il permettra notamment d’imaginer de nouveaux schémas d’études, à distance et basés sur des téléconsultations.
Les études cliniques se sont "digitalisées"
Enfin, les outils informatiques se sont adaptés à ces contraintes, tout en se soumettant à l’obligation nouvelle de validation des systèmes électroniques. Les systèmes de collecte de données (eCRF) validés, ainsi que les plateformes sécurisées d’échange des documents de l’étude se sont généralisés. Les études intègrent régulièrement des interfaces de saisie dédiées aux patient (ePRO) et des modules de randomisation en ligne.
Des évolutions qui devraient faciliter les études cliniques à l'avenir
De nouvelles évolutions majeures sont annoncées et tracent des perspectives pour les années à venir. La première d’entre elles à court terme est l’application législative des procédures de soumission réglementaire des études prévues dans le Règlement Européen pour les Dispositifs Médicaux. Ces nouvelles règles doivent améliorer les délais de réponse des autorités, et simplifier la déclaration centralisée des études implantées dans plusieurs pays. Le Règlement Européen introduit également la création de groupes d’experts rattachés auprès de la commission européenne spécialisés par aire thérapeutique, qui auront pour mission d’évaluer les protocoles d’études cliniques a posteriori lors du marquage CE, mais également a priori à la demande des promoteurs.
D’un point de vue plus technique, des évolutions sont attendues qui auront des conséquences opérationnelles et méthodologiques. Les entrepôts de données du Health Data Hub, permettent désormais de concevoir des études cliniques mixtes, s’appuyant sur un appariement des dossiers cliniques avec les bases de données médico-administratives. Ces études appariées offrent des solutions à certaines difficultés opérationnelles : réduction du nombre de perdus de vue, exhaustivité des inclusions, évaluation médico-économique… Le format de structuration des données cliniques international CDISC devrait progressivement s’imposer, à la demande des autorités, pour permettre une meilleure auditabilité des données. Ce format impose l’utilisation d’outils compatibles, mais surtout des personnels formés au codage spécifique que cela implique.
Restons à l’écoute de ces évolutions. Elles tendent à améliorer la qualité des dispositifs par des investigations plus exigeantes, plus respectueuses des droits des patients, et très connectées aux innovations technologiques.