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Startuppers, pensez à explorer aussi les voies de financement alternatives !

Publié le 23 juillet 2024 par Romain Fournier
Sans les financements nécessaires, une innovation ne verra malheureusement jamais le jour, même si son potentiel est énorme.
Crédit photo : © Oleksandr Dibrova - stock.adobe.com

La levée de fonds est l'une des difficultés majeures auxquelles sont confrontées les start-up. Même si la démarche n'en demeure pas moins complexe, il existe des solutions auxquelles elles ne pensent pas toujours. Le point avec Christophe Tézenas du Montcel.

Par Christophe Tézenas du Montcel, consultant en levée de fonds pour le secteur de la santé chez Rainmakers & Partners

Christophe Tézenas du Montcel (crédit photo : Nicholas Schut photographie)

Les entreprises lauréates de la nouvelle promotion French Tech Next40/120 ont été annoncées. On y retrouve les stars des dispositifs médicaux, avec entre autres Doctolib (dont on peut douter qu’elle soit encore une start-up…), MoonSurgical, CoreWave, DNAScript, Medadom, Tissium…

Ce programme a pour but de donner un (gros) coup de boost aux start-up sélectionnées afin de les aider à devenir des leaders mondiaux.

Les lauréates ont été sélectionnées sur la base de leur potentiel de croissance, de l’innovation portée et… de leur succès dans leurs levées de fonds ! Car, il faut bien l’admettre, votre start-up peut porter une innovation fantastique au potentiel énorme, si vous ne trouvez pas les financements nécessaires à son développement, il vous restera toujours les souvenirs et la tranquillité d’esprit de ceux qui ont osé et donné le meilleur d’eux-mêmes (remarque un brin cynique, il est vrai...).

Mais revenons-en aux lauréates. Ces start-up ne sont pas là par hasard. Elles représentent effectivement le fleuron de l’industrie des technologies médicales en France, secteur dans lequel notre pays excelle au niveau international.

Dans cette compétition mondiale, hyper sélective, les "winners take it all". Et ceux qui ne sont pas sur le podium restent dans les ténèbres et accumulent les difficultés…, alors même que leur valeur intrinsèque est probablement du même niveau que celle des lauréates.

On pourrait établir ici un parallèle avec le classement ATP/WTA : la différence de niveau entre les 5 meilleurs(eures) joueurs(euses) de tennis du monde et les 95 autres du Top 100 est minime, mais seuls(les) les 4 ou 5 premiers(ières) captent les spotlights.

Quelles conditions réunir pour assurer son succès ?

Mais pourquoi ces start-up là ? Et quid des (milliers d’) autres ? Celles qui ne sont pas sur le podium sont-elles inéluctablement vouées à végéter ou à disparaître ?

Le succès des lauréates est dû, entre autres, à des ingrédients connus, mis en recette de façon excellente par leurs équipes :

  • un sous-jacent scientifique impeccable, soigneusement protégé dans une PI non moins impeccable ;
  • des KOL de haute volée, qui sont reconnus par leurs pairs comme tels, même s’ils ne font pas l’unanimité – les différences de point de vue étant consubstantielles au progrès ;
  • une équipe "au top", pour gérer l’exécution sans perdre de vue l’objectif premier… Cela n'est pas une mince affaire dans un environnement réglementaire non seulement très exigeant mais aussi très mouvant (en témoigne le tsunami que provoque le RDM 2017/745). Sans oublier un environnement financier ultra sélectif, aussi bien pour les fonds (qui doivent persuader leurs souscripteurs alors que l’investissement dans le "seed" ou les series A n’a pas un rendement supérieur à 5-6 %, pas si éloigné des taux des bons du trésor de la FED ou de la BCE) que pour les start-uppers. Ces derniers doivent convaincre les fonds, qui connaissent la dureté de la loi statistique sur le succès des MedTech…
  • un financement sérieux et constant, de la part d’investisseurs conscients des risques et capables de suivre en trésorerie,
  • et enfin un réseau…

Disposer d'un bon réseau : une condition essentielle

Il convient justement ici de s'attarder un peu sur ce dernier point. La compétition étant tellement intense, il est impératif de pouvoir s'appuyer sur un réseau de très bonne qualité (lui-même très connecté et aux poches profondes) pour enclencher les processus de financement. Les équipes qui ont accès à de tels réseaux partent avec plusieurs longueurs d’avance sur les autres. Ce n’est peut-être pas un hasard si la majorité des lauréates opèrent depuis la région parisienne, barycentre des réseaux français ; même si cette réalité est fortement en train de changer, notamment grâce aux efforts de Bpifrance et de certains acteurs en région (citons en particulier les fonds locaux et groupes de Business Angels).

Les fonds d'investissement ne sont pas les seules solutions possibles...

Les start-up qui ne bénéficient pas des meilleurs réseaux sont-elles, pour autant, condamnées ? Non, bien sûr ! Mais il leur faudra probablement faire preuve de créativité pour trouver les fonds nécessaires à leur développement – jusqu’à ce que l’atteinte d’une étape cruciale les place sous les feux des projecteurs.

La bonne nouvelle est que le paysage du financement de l’innovation est assez vaste et diversifié en France. Certains réseaux de Business Angels (BA) ou des plateformes de crowdfunding peuvent apporter une partie des fonds nécessaires.

Ces investisseurs sont moins visibles (ils n’ont pas les moyens de l’être) et moins puissants (lever plus de 2 M€ par leur intermédiaire relève encore de l’exception). Néanmoins :

  • ils existent, ce qui n’était pas forcément écrit d’avance,
  • ils sont très friands d’innovation,
  • ils peuvent en général patienter plus longtemps que les fonds,
  • ils ouvrent assez volontiers leurs réseaux, aussi bien pour des sujets techniques que financiers.

Ces voies de financement peuvent paraître « de second ordre », mais un € en provenance d’un fond établi à la même valeur qu’un € en provenance d’un Club Deal local ou spécialisé. Précisons qu’un Club Deal est un groupe composé de quelques BA qui se réunissent pour investir sur un dossier précis.

Certains investisseurs moins visibles et moins puissants peuvent apporter une partie des fonds nécessaires (crédit photo : © Nuthawut - stock.adobe.com)

Des investisseurs de plus en plus frileux face à l'évolution du marché

Une autre réalité, plus lointaine de l’écosystème de l’innovation, renforce l’attractivité de ces voies de financement alternatives aux fonds établis.

Le secteur des MedTech subit une consolidation massive depuis quelques années, puissamment poussé en cela par les évolutions réglementaires. La conséquence la plus visible est la diminution drastique du nombre d’acteurs majeurs. Cela se reflète dans la liste éloquente des rachats et fusions entre ces acteurs durant la dernière décennie : 48 sociétés emblématiques des MedTech ont été rachetées sur cette période. Le grand gagnant de ce mercato ? Medtronic, qui en a avalé 17 à lui tout seul ! (merci à David Mercier, fondateur de Strammer, pour son post LinkedIn très éclairant sur ce sujet).

Avec quel impact pour nos "petites" MedTech locales ?... la disparition de plusieurs acquéreurs potentiels !

En quoi cela représente-t-il un souci concernant le financement des start-up ? C'est simple : moins d’acquéreurs potentiels = exit plus incertain pour les investisseurs.

Dans un marché qui a délégué aux start-up la R&D auparavant intégrée dans les groupes, la diminution du nombre de ces derniers signifie que moins d’innovations seront portées jusqu’au marché : à l’instar des capacités industrielles, les compétences éminemment stratégiques de "Business Development" font aussi l’objet de synergies lors des rachats.

Pour résumer, il est nécessaire pour les start-up de s’ouvrir à toutes les possibilités de financement.

Des cas concrets de financement alternatif réussi

Témoins de ces voies alternatives, quelques exemples tirés des contacts directs de l’auteur de ces lignes :

Rainmakers & Partners est un réseau de consultants spécialisés dédiés à la levée de fonds.

  • cette start-up du domaine cardiaque, plutôt bien connectée à l’écosystème parisien, mais qui passe par un second tour de BA (proche du million quand même) ;
  • ou encore cette start-up des équipements hospitaliers, surprise par le covid, qui a trouvé des débouchés dans l’industrie alimentaire pour alimenter le compte de résultats et la trésorerie jusqu’à avoir atteint la rentabilité comptable en 2023. Forte de son succès, elle reprend maintenant le fil de son développement initial, à destination des services de pneumologie ;
  • et cette autre start-up, qui a développé une application d’IA pour que les équipements hospitaliers puissent se défendre seuls face aux hackers. Elle s’est développée en boostrapping (sans financements extérieurs) jusqu’à ce que sa solution convainque ce fabricant de tables de radiologie, qui propose maintenant cette dernière en option. Cette entreprise vient de débuter les discussions avec un Club Deal composé majoritairement de soignants hospitaliers pour accélérer son développement.
  • jusqu’à cette start-up qui a choisi de passer en Redressement Judiciaire pour geler sa dette bancaire, et qui peut compter sur certains de ses associés, prêts à relancer le développement pour une application sans solution thérapeutique (cas un peu limite, certes…).
  • et, pour finir sur un cas publié, Elixir Health (IA pour la fertilité féminine), qui a levé 2 M€ récemment, dont la moitié en Equity auprès de BA. C’était sa stratégie, et en aucun cas un pis-aller.

Ces exemples illustrent l’ingéniosité et l’agilité des start-uppers français. Ils appliquent leur expertise à développer des innovations techniques de premier ordre… et à imaginer des solutions de financement adaptées aux difficultés du contexte actuel.


www.rainmakers.fi

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