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IA et DM : un duo gagnant en route sur un parcours semé d’obstacles

Publié le 15 décembre 2020 par Patrick RENARD
Validé par la FDA en 2018, le logiciel IDx-DR met en œuvre l’IA pour diagnostiquer la rétinopathie diabétique, avec près de 90 % de réussite.
Crédit photo : IDx

Forte d’une expérience acquise au gré de différents projets clients, Neovision fait ici un point sur le développement de l'intelligence artificielle dans les applications médicales. Un développement freiné notamment par les spécificités des données de santé, mais qui apparaît inéluctable.

Mathieu Poissard.

Lucas Nacsa.

Par Lucas Nacsa, PDG co-fondateur, et Mathieu Poissard, responsable marketing, chez Neovision

L’intelligence artificielle se nourrit de données. Dans le secteur de la santé, ce sont les spécificités de ces données qui ont tendance à freiner le développement des applications.

D'abord, les données de santé sont souvent déséquilibrées, et non représentatives. Par exemple, si les cas rares ne sont pas représentés, il sera impossible de les traiter, faute de données suffisantes pour effectuer un apprentissage. Inversement, certains cas moins rares ou moins graves, non représentés dans un jeu de données de cas rares pourraient passer à la trappe. Enfin, si nous prenons les données d’imagerie médicale, les images captées proviennent souvent d’un seul type d’équipement (scanner, IRM, microscope, etc).

De plus, ces données sensibles doivent être annotées, c'est-à-dire décrites et qualifiées par des experts. Or, les experts en santé n’ont que peu de disponibilités. Et quand ils en ont, ils ne sont pas toujours d’accord entre eux. Comment trancher ? Cette variabilité rend donc la phase d’annotation -pourtant cruciale- particulièrement difficile.

Vient ensuite le sujet de l’éthique, qui prend une dimension prépondérante dans le domaine de la santé.

En juillet 2020, la loi bioéthique a été adoptée en France par l'Assemblée nationale. Concernant l’IA, cette loi prévoit plusieurs mesures :

  • le professionnel de santé doit détailler et expliquer au patient qu’il a recours à une intelligence artificielle,
  • une décision médicale ne peut être prise sur le seul fondement de l’IA,
  • le fonctionnement de l’IA doit être transparent.

Concept de garantie humaine : quels enjeux pour les fabricants de DM ? Réglementation et validations

Dernière spécificité de l’IA dans le domaine de la santé, et non des moindres : la réglementation et les validations. Lorsque nous parlons de données de santé, nous savons qu’il s’agit d’un sujet sensible, à juste titre. Revêtant un caractère particulièrement privé, ces données sont aussi nombreuses que bien protégées - et heureusement. Toutefois, cette protection règlementaire complique la tâche puisque ces bases de données sont souvent inaccessibles.

Concernant la réglementation européenne spécifique à l’IA, et outre le marquage CE, le RGPD vient encadrer l’exploitation des données personnelles et notamment les données de santé. Aucune donnée ne peut être captée et exploitée sans le consentement explicite de l’utilisateur. Dans la même veine, il existe aussi une réglementation spécifique concernant l’hébergement des données de santé. Ces dernières doivent être stockées selon des normes précises et certains hébergeurs sont accrédités pour pouvoir le faire.

Enfin, il existe aussi des normes et bonnes pratiques portant sur le découpage des données selon la façon dont elles vont être utilisées par les ingénieurs pour développer l'algorithme d'IA (apprentissage, validation et test). Ceux en charge de l’apprentissage ne doivent pas avoir accès au jeu de données de test par exemple.

Bien entendu, les applications de l’IA à la santé relancent également le challenge de l’interprétabilité, ou explicabilité, des algorithmes d'apprentissage automatique. Le fonctionnement “boîte noire”, image qui illustre l'opacité du raisonnement utilisé par l'IA, ne peut en effet pas être accepté sans validation formelle.

Diagnostic et aide à la décision

Les applications de l'IA en santé fleurissent partout dans le monde, notamment aux Etats-Unis bien sûr, mais aussi en France.

En 2019, Deepmind, la branche Deep Learning (apprentissage profond) de Google, a mis au point une technologie capable de diagnostiquer des maladies oculaires telles que la rétinopathie diabétique, le glaucome ou encore la DMLA en moins de 30 secondes. Pour cela, les algorithmes ont été entraînés sur 14884 images issues de 997 patients. Le tout avec un taux d’erreurs de seulement 5,5 % contre 6,7 à 24,1 % pour les spécialistes de santé.Panorama de l’intelligence artificielle en santé dans l’Hexagone

C'est un exemple parmi d'autres de l'efficacité potentielle de l'IA en matière de diagnostic. Mais ce genre d'application, comme beaucoup d'autres basées sur l'IA, est à l'état de prototype et n’a pas encore été réellement amené jusqu’à la réalité de l’industrialisation.

Ceci dit, les premières autorisations de mise sur le marché commencent à arriver depuis quelques années. Parmi les premiers dispositifs médicaux à avoir reçu l'aval de la FDA : le logiciel IDx-DR de la société IDx. Il est basé sur un algorithme capable de diagnostiquer la rétinopathie diabétique sur des images de la caméra rétinienne Topcon NW 400, sans ingérence humaine.

Basée à Grenoble, Neovision est une société de conseil et d’ingénierie en intelligence artificielle. Elle fournit à ses clients des solutions sur-mesure et clé-en-main grâce à un accompagnement personnalisé, comprenant des prestations de conseil, pour identifier les projets porteurs, et d’ingénierie logicielle pour les mettre en œuvre.

Aujourd'hui il existe près de 70 algorithmes à base d'IA approuvés par la FDA d'après le site medicalfuturist.com. La plupart de ces outils sont basés sur l'analyse d'images et destinés à aider les médecins à prendre leurs décisions. Les domaines concernés sont variés : radiologie, ophtalmologie, endocrinologie, cardiologie, neurologie.

Plusieurs signaux permettent de penser que les technologies d’aide à la décision pour les pathologistes vont se démocratiser. Ces technologies ont en effet la capacité de traiter un très grand volume de données, mais aussi celle de se souvenir de tous les cas passés. Tout cela coïncidera avec la possibilité de croiser et recroiser des avis d’experts émanant du monde entier, via des plateformes numériques. Ces plateformes permettront également de quantifier et fiabiliser les données exploitées.

Des start-up françaises parmi les pionniers de l'IA en santé

Concernant le marché européen, le premier fabricant à avoir obtenu le marquage CE pour un dispositif médical à base d'intelligence artificielle est la start-up française Cardiologs, en 2016. Hébergée sur le cloud, sa solution de diagnostic ECG permet de détecter automatiquement les troubles du rythme cardiaque en divisant par deux le temps d’analyse et d’édition du rapport de diagnostic. Déjà utilisée dans plusieurs établissements de santé, la solution de Cardiologs a suscité l’adhésion du corps médical.

Un autre pionnier de l'IA en santé, la start-up belge Icometrix, a obtenu à la fois le marquage CE et l'approbation de la FDA, pour son logiciel Icobrain. Celui-ci permet d'extraire des informations cliniquement significatives à partir d'IRM cérébraux et de CT (tomographe) de patients atteints de maladies neurodégénératives.

On peut également citer la start-up marseillaise Volta Medical, qui a obtenu le marquage CE cette année pour son logiciel d'IA. Celui-ci est conçu pour aider les chirurgiens à traiter les pathologies de fibrillation auriculaire.

On notera qu'en février 2020, la Cnedimts a rendu, pour la première fois, un avis favorable pour le remboursement d'un dispositif médical intégrant de l'IA auto-apprenante. Il s'agit du système de délivrance d'insuline en boucle semi-fermée DBLG1 de la société française Diabeloop.

Vers une IA directement embarquée dans des DM "intelligents"

L'IA au service du médicament

La R&D nécessaire à la création de nouvelles molécules intéressantes pour la santé humaine est aussi longue que coûteuse, que ce soit financièrement ou humainement.

Dans ce domaine aussi, l’intelligence artificielle a un grand rôle à jouer. Plusieurs méthodes permettent en effet de générer de nouvelles molécules et de les évaluer. C’est le cas des Réseaux de Neurones Récurrents ou des GANs (Generative Adversorial Networks).

La start-up américaine Insilico Medecine a ainsi élaboré une molécule à fort potentiel médical en 46 jours seulement ! Pour cela, une IA a créé 30 000 modèles de molécules en 21 jours. Par la suite, l’IA a retenu les 6 meilleurs candidats, que l’équipe a synthétisés. Deux d’entre eux ont été testés sur des cellules souches et enfin, l’équipe a testé le plus prometteur sur des souris.

De la même façon, des chercheurs du MIT se sont appuyés sur l'apprentissage automatique (deep learning) pour trouver un antibiotique efficace contre les bactéries ayant développé une résistance aux antibiotiques classiques ("super-bactéries").

Aujourd’hui, l’IA est généralement délocalisée dans le cloud ou dans un datacenter. Mais elle tend à s’embarquer au plus près du terrain, directement dans les dispositifs médicaux. Les progrès de l'électronique et de l'informatique permettent en effet de disposer de composants dédiés à l'IA de plus en plus compacts. Ces composants ont pour vocation de rendre les dispositifs médicaux intelligents pour mieux s’adapter au patient.

Les DM intelligents feront remonter des données que l’IA transformera en informations. Ces mêmes informations permettront aux professionnels de santé de mieux comprendre l’usage du dispositif, de détecter des anomalies chez le patient et de potentielles pannes du dispositif, de regrouper les patients en clusters affinés. Il sera ainsi possible de prédire les futurs besoins en soin de chaque patient. Un grand pas vers la médecine 4P.

Aide à la planification médicale

L'IA apprend sur une grande quantité de données pour trouver certains optimums. Cela s’applique aussi à la planification médicale et notamment chirurgicale.

Toutes les opérations chirurgicales n'ont pas le même niveau de difficulté. Plus elles sont rares, moins l’expérience humaine est grande. Alors, quand la complexité s’associe à la rareté, les premières difficultés apparaissent.

En analysant et croisant les données patients, l’historique des planifications passées, les feedbacks des opérations et ceux des suivis patients, une intelligence artificielle pourra préconiser la planification ayant le meilleur taux de confiance. Le chirurgien, qui restera maître de la décision, pourra confirmer ou non la préconisation de l’IA.


neovision.fr

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