Une méthode in vitro alternative pour détecter les pyrogènes dans les DM
La détection des pyrogènes présents dans les dispositifs médicaux se fait couramment au moyen d'un test in vivo réalisé sur le lapin. Il existe pourtant une méthode alternative qui n'utilise pas d'animaux : le test d'activation des monocytes (MAT). Le point sur le sujet avec Eurofins Medical Device Services.
Par Vincent Rietsch, responsable de la Business Unit "Dispositifs médicaux" chez Eurofins Medical Device Services
Les pyrogènes provoquent une élévation de la température chez l’Homme ou l’animal. S’ils sont présents comme contaminants dans un dispositif médical, ils peuvent entrainer une fièvre potentiellement dangereuse pour le patient. Il est donc nécessaire de détecter ces pyrogènes pour assurer la sécurité des patients et démontrer la conformité aux exigences réglementaires et qualité de son dispositif médical. Ils peuvent provenir de multiples sources, biologiques ou non, comme par exemple des impuretés chimiques, des virus, des bactéries, des levures ou moisissures, etc. Ces pyrogènes peuvent être distingués en deux groupes : les endotoxines d’origine bactérienne et les non-endotoxines (NEP).
Les dispositifs médicaux ayant un contact direct ou indirect avec la circulation sanguine, le système lymphatique et/ou le liquide céphalo-rachidien, et donc qui interagissent de façon systémique avec le corps humain, doivent être apyrogènes.
Or, la stérilisation d'un dispositif médical ne suffit pas à le rendre apyrogène. Il est donc nécessaire de limiter le risque d’une réaction fébrile à un seuil acceptable selon l'utilisation clinique (voie d'administration) du dispositif médical concerné. Ce seuil acceptable est connu sous le nom de Concentration Limite en Contaminants (CLC) et est spécifique à chaque dispositif médical.
Les nombreux atouts du MAT
La détection des pyrogènes médiés à la fois par les endotoxines bactériennes et par les NEP peut se faire soit via un test in vivo sur le lapin (i.e., Rabbit Pyrogen Test (RPT)), soit par un test in vitro d’activation des monocytes (i.e., Monocyte Activation Test (MAT)). Ce dernier mesure les cytokines libérées par les monocytes humains et présente de nombreux avantages par rapport au RPT :
- la méthode reflète l’activation du système immunitaire humain (évaluation spécifique à l’Homme du fait de l’utilisation de sang humain),
- la méthode est quantitative (le RPT étant qualitatif),
- elle peut détecter une plus grande variété de pyrogènes,
- la méthode est plus sensible : la limite de détection est plus basse (de l’ordre de 0,02 EU/mL, contre 0,5 EU/mL pour le RPT), ce qui offre une plus grande précision,
- elle n’utilise pas d’animaux et ne dépend donc pas du modèle animal.
Sur les plans réglementaire et normatif, le MAT est décrit depuis 2010 dans un chapitre général de la Pharmacopée Européenne (PE 2.6.30), et il est mentionné dans la PE 2.6.8 et 5.1.10.
Par ailleurs, la Commission européenne s’est engagée depuis septembre 2022 dans une stratégie visant à minimiser le nombre d’animaux utilisés dans les tests et donc à remplacer le lapin du test pyrogène par une méthode alternative in vitro et éditer un nouveau chapitre général de la PE 5.1.13 [réf].
Le MAT est également décrit dans plusieurs référentiels spécifiques aux dispositifs médicaux (United States Pharmacopeia (USP) <151>, ISO 10993-1, ISO TR 21582, Guidance for Industry Pyrogen and Endotoxins Testing: Questions and Answers).
Comment déterminer la CLC et la DMS ?
Le principe du MAT repose sur la mesure de la densité optique, par un kit ELISA, des médiateurs endogènes libérés par les cellules sanguines humaines, tels que des cytokines pro-inflammatoires, par exemple le facteur de nécrose tumorale alpha (TNFα), l’interleukine-1 bêta (IL-1β) et l’interleukine-6 (IL-6).
La première étape consiste à calculer un seuil acceptable de CLC. Celle-ci est exprimée en équivalent-endotoxine (EE) par milligramme ou millilitre ou par unité d’activité biologique de la préparation à examiner.
La CLC est calculée à l’aide de l'expression suivante :
La CLC est fonction du dispositif médical et de sa voie d’administration et elle peut être indiquée dans certaines monographies. Les valeurs de K figurent dans le tableau 2.6.30.-4 ci-dessous.
Ensuite, il faut déterminer la dilution maximale significative (DMS). Il s’agit de la dilution maximale d’un échantillon à laquelle peut être déterminée la CLC. Le calcul de la DMS est basé sur l’étalon d’endotoxine. La DMS peut être déterminée à l’aide de l’expression suivante :
Une méthode qui nécessite encore une acceptation réglementaire claire
Le réseau de laboratoires indépendants d'Eurofins Medical Device Services met à la disposition des fabricants de DM son expertise en chimie analytique, microbiologie, évaluation biologique, utilités (gaz, eau) et packaging. Il aide ses clients à concevoir, mettre en place et exécuter leurs programmes de tests selon les exigences règlementaires. Ses compétences s'appliquent à tous types de dispositifs.
Toutefois, d’après l’ISO TR 21582, les pyrogènes médiés par les matériaux, qui sont des substances chimiques, induisent une réaction fébrile par un mécanisme différent de celui des cytokines. Pour cette raison, l’ISO 10993-11 ne reconnait pas le MAT comme étant une méthode valide. De son côté, l’U.S. FDA considère le MAT au cas par cas, et à condition que la méthode soit validée, notamment sur les interférences possibles, la précision de la détection et la démonstration que le système d’essai est bien en contact direct avec les monocytes.
En conclusion, s’il existe de nombreuses preuves publiées selon lesquelles le MAT a surpassé le RPT dans toute comparaison directe, celui-ci requiert néanmoins encore une acceptation réglementaire claire, notamment sur la détection des pyrogènes médiés par les matériaux.