Une action européenne coordonnée face aux pénuries de dispositifs médicaux
Le Règlement (UE) 2022/123 , qui entrera en vigueur le 2 février 2023 pour les dispositifs médicaux, renforce le rôle de l'EMA dans la préparation et la gestion des pénuries de produits de santé. Le cabinet d'avocats LPA-CGR nous explique ce qu'il faut en retenir.
Par Morgane Morey (counsel) et Clémence Deffayet (juriste) de LPA-CGR avocats
Adopté dans le cadre de la nouvelle "stratégie pharmaceutique"[1] de l’Europe, le Règlement (UE) 2022/123 a pour objectif d'assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine en veillant au bon fonctionnement du marché intérieur des produits de santé[2]. Il vise en particulier à établir un cadre permettant de faire face au problème de pénuries[3] de médicaments et de dispositifs médicaux lors d'urgences de santé publique[4] et d'événements majeurs, comme la pandémie de COVID-19.
Dans ce contexte, le règlement renforce le rôle de l’Agence européenne des médicaments (EMA) qui, à compter du 2 février 2023, date de son entrée en application pour les DM[5], sera compétente pour surveiller les pénuries à l’égard de ces produits de santé et y remédier.
Groupe de pilotage MDSSG
Pour mener à bien cette mission, l’EMA va pouvoir compter sur un nouvel organe, l’Executive Steering Group on Shortages of Medical Devices (MDSSG). Ce groupe de pilotage est chargé de communiquer avec l’ensemble des acteurs de la chaîne d’approvisionnement et de coordonner leurs actions le cas échéant, afin d’éviter toute pénurie[6]. Dans ce cadre, le MDSSG aura l’obligation, après l’identification d’une situation d’urgence de santé publique, d’établir une liste répertoriant les catégories de DM considérés comme « critiques » pour la gestion de cette crise et pendant toute la période de crise[7]. Afin de coordonner les actions urgentes, le MDSSG devrait, le cas échéant, se concerter[8] avec le GCDM[9]. Différentes listes ayant vocation à gérer différentes crises pourraient se cumuler[10].
Point de contact unique et informations à communiquer
Les opérateurs économiques[11] et les organismes notifiés prenant en charge des DM critiques devront déterminer un point de contact unique, interlocuteur privilégié de l’EMA.
Les points de contact uniques des opérateurs économiques devront fournir dans le délai que l’Agence aura fixé, toute « information pertinente » [12] sur les DM concernés, à tout le moins : leurs caractéristiques et leur destination, le nom du fabricant ou de son mandataire, le nom et le numéro de l’organisme notifié, les données relatives aux ventes, aux parts de marché, aux stocks disponibles, les prévisions de l’offre et de la demande, les détails de la pénurie potentielle ou avérée, les plans de prévention et d’atténuation des pénuries, etc.
En ce qui concerne les points de contact uniques des organismes notifiés, ils informeront l’EMA du nombre de DM critiques en cours d’évaluation de conformité, de l’état d’avancement de ces évaluations et du délai nécessaire pour les mener à bien. A ce titre, le Règlement (UE) 2022/123 prévoit, lorsqu’une urgence de santé publique est déclarée, qu’une priorité soit accordée aux évaluations portant sur ces DM[13].
Ces informations devraient permettre au MDSSG de notifier à la Commission européenne et dans une certaine mesure, à d’autres acteurs du secteur du DM, toute pénurie potentielle ou avérée[14].
S’il était impératif que les instances européennes se saisissent de la question des pénuries, il est regrettable que les mesures de gestion et de prévention de ces dernières ne soient prévues que pour les cas d’urgences de santé publique. Cette question mériterait d’être abordée de manière générale, notamment au regard du contexte actuel, où les retards de délivrance des certifications sous l’empire des Règlements (UE) 2017/745 et 2017/746 risquent de réduire la disponibilité de nombreux DM sur le marché[15].
[1] Communication de la Commission européenne, « Stratégie pharmaceutique pour l’Europe », nov. 2020.
[2] Art. 1er du Règlement (UE) 2022/123.
[3] Définition de l’article 2 h) du Règlement (UE) 2022/123, « "pénurie" : une situation dans laquelle l’offre […] d’un dispositif médical certifié CE ne répond pas à la demande […] de ce dispositif médical au niveau national, quelle que soit la cause ».
[4] Définition de l’article 2 a) du Règlement (UE) 2022/123 : « "urgence de santé publique": une situation d’urgence de santé publique reconnue par la Commission conformément à l’article 12, paragraphe 1, de la décision n°1082/2013/UE ».
[5] Art. 38 du Règlement (UE) 2022/123.
[6] Art. 21 du Règlement (UE) 2022/123.
[7] Cette liste doit être mise à jour autant que cela est nécessaire jusqu’à la fin de la reconnaissance de l’urgence de santé publique, art. 22 §1. du Règlement (UE) 2022/123.
[8] Considérant 35 du Règlement 2022/123. A noter : les membres du MDSSG peuvent être les mêmes que ceux du GCDM (art. 21 §2. du Règlement 2022/123).
[9] Groupe de coordination en matière de DM institué par l’article 103 du Règlement (UE) 2017/745.
[10] Par analogie à la réponse formulée par l’EMA dans le cadre de la première réunion du MSSG (groupe de pilotage mis en place pour les médicaments) du 11 mai 2020, « EMA was asked to clarify whether the lists of critical medicines lists were specific for each crisis (PHE/ME). EMA confirmed that there is a possibility to have multiple lists of critical medicines depending on the ME/PHE as the lists are crisis-specific ».
[11] Tels que définis aux articles 2 35) et 28) des Règlements (UE) 2017/745 et 2017/746.
[12] Art. 25 §3. du Règlement (UE) 2022/123.
[13] Ibid. 12.
[14] Art. 24 § 2. du Règlement (UE) 2022/123.
[15] A. Holmgaard Mersh, « La commissaire à la Santé interpellée sur le risque de pénurie de dispositifs médicaux dans l’UE », Euractiv, nov. 2022. Bien que la Commission européenne ait pris position dans le but d’accorder plus de temps aux industriels pour certifier leurs DM (Commission européenne, « Santé publique: plus de temps pour certifier les dispositifs médicaux afin de limiter les risques de pénuries », jan. 2023).