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Peut-on être responsable QARA et garder le moral ?
Nexialist a dévoilé les résultats d'un sondage effectué auprès des responsables des affaires réglementaires et qualité. Même si les réponses datent d'avant l'extension de la période de transition du RDM, elles restent instructives et montrent notamment qu'on peut être découragé tout en bénéficiant d'un profil recherché.
Société de conseil spécialisée dans l’accompagnement des entreprises en matière de mise en conformité des produits de santé, Nexialist organise chaque mois un webinaire sur un thème règlementaire d’actualité. Certains de ces événements en ligne sont réservés à la communauté des clients du cabinet, d’autres sont ouverts à tous.
C’était le cas du webinaire de décembre dernier qui présentait les résultats d’un vaste sondage lancé en janvier 2023 sur l’impact de l’évolution de la réglementation sur le moral des services QARA (Affaires Réglementaires et Assurance Qualité). La grande majorité des 205 répondants regroupe des PRRC (personnes chargées de veiller au respect de la réglementation), fonction introduite par le règlement (UE) 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux (RDM) dans son article 15. En particulier des directeurs (18 %), des responsables (39 %) et des ingénieurs/chargés d’affaires (29,3 %) directement impliqués dans les QA et/ou RA.
Avant de regarder les questions posées et surtout les réponses, il convient de noter que celles-ci ont été données avant l’annonce des nouvelles dispositions transitoires du RDM. « De l’eau a coulé sous les ponts réglementaires en un an », comme l’a souligné Florent Guyon, animateur du wébinaire, en charge des relations extérieures, de la notoriété et des partenariats chez Nexialist.
La plupart des questions sont à considérer comme ponctuées par la précision "depuis la mise en application des règlements RDM/RDIV".
Des délais de mise sur le marché difficiles à respecter
A la question « Avez-vous de plus en plus de mal à respecter les délais de mise sur le marché de vos produits ? », 83 % ont acquiescé ("Oui tout à fait" à 57,1 % et "Oui parfois" à 25,9 %), avec des commentaires récurrents : « il n’y a pas de visibilité sur la durée d’évaluation des Organismes Notifiés (ON), et peu de flexibilité de la part de ceux-ci », « il est difficile d’avoir une date de retour », « les ressources sont mobilisées pour la transition au détriment de l’innovation... » Il a aussi été fait mention d’une méconnaissance des évolutions réglementaires par les sous-traitants critiques… cause de rallongement des délais.
Pour ceux qui ont répondu par la négative (environ 10 %), il s’agit essentiellement de grosses structures, dotées des moyens permettant de mettre la pression sur les ON et des ressources pour mener les actions nécessaires à l’obtention du marquage CE sous RDM.
Pourtant, les 2/3 des sondés ont répondu positivement à la question « Trouvez-vous que votre entreprise a pris les mesures nécessaires pour gérer au mieux la transition vers la nouvelle réglementation ? » ("Oui un peu" à 35,6 % et "Oui tout à fait" à 31,7 %). Seuls 12,2 % ont coché la case "Non pas du tout".
Impossible d’être compétent dans tous les domaines
Les réponses à la question « Trouvez-vous que vous disposez, en interne, des compétences nécessaires pour faire votre travail ? » sont partagées, puisque 52 % estimaient que oui et 48 % pensaient l’inverse. C’est un peu différent pour la question « Trouvez-vous que vous avez les compétences suffisantes pour bien faire votre travail ? » : 39 % ont répondu "Oui tout à fait" et 50,2 % "Oui parfois", avec seulement 10 % qui ne s’estimaient pas à la hauteur de la tâche. Ceux-ci évoquaient surtout un problème de temps et de compréhension des attentes des ON. Ils ne savaient pas comment allaient réagir ces derniers par rapport aux informations envoyées.
Une formation QARA accessible à un panel de profils élargi
En fait, 90 % des sondés estiment avoir les compétences globales mais en manquer sur des points très spécifiques, comme l’évaluation clinique principalement, mais aussi l’évaluation biologique, et la stérilisation. Des domaines qui nécessitent de faire appel à des consultants et services extérieurs.
Des relations parfois tendues au bureau
La moitié des sondés ont répondu "Oui" à la question « Avez-vous le sentiment que la collaboration au sein de votre équipe s’est améliorée ? » ("tout à fait" à 19 % et "parfois" à 32,2 %). La même question mais sur la collaboration avec les autres services fait apparaitre une dégradation nette pour 14,6 % des répondants et occasionnelle pour 30,7 %. Certains ont déploré d'être stigmatisés, considérés comme étant là pour bloquer, davantage qu’auparavant. C’est d'ailleurs parfois un peu la guerre entre les services R&D et RA, ce dernier étant perçu comme trop exigeant en termes de qualité de la documentation fournie. Une exigence pas toujours comprise. C’est aussi parfois compliqué avec la direction. Pour autant, certains répondants ont mis en avant le fait qu’il est plus facile qu'avant de faire accepter de gros devis, typiquement en évaluations biologique ou clinique. D’autres ont souligné le côté pédagogique de la mise en œuvre de la nouvelle réglementation, avec un travail d’équipe positif qui s’est traduit par la mobilisation de l’ensemble des services.
Ceci dit, à la question « Avez-vous le sentiment que l’ambiance de travail s’est améliorée ? », la réponse a été négative ("pas du tout" à 12,2 % et "pas vraiment" à 70,2 %). Au mieux, l’ambiance ne s'est pas dégradée.
Un avenir professionnel assuré, mais au prix d'un niveau de stress élevé
La question « Avez-vous du mal à évaluer vos perspectives professionnelles ? » a entrainé une majorité de réponses négatives ("Non pas du tout" à 29,3 % et "Non pas vraiment" à 41,5 %), qui montrent que la plupart des responsables QARA ne se posent plus de questions sur leur avenir professionnel. Ils savent en effet que leur profil est recherché. « Certains sont peut-être même harcelés par les recruteurs », ajoute Florent Guyon.
Nexialist vient de relancer ce sondage, avec quelques questions complémentaires, notamment pour évaluer l’impact des dispositions transitoires sur le quotidien des PRRC. Un sondage qui mériterait de devenir un observatoire annuel !
Les sondés ont ensuite évalué, sur une échelle de 1 à 10, l’impact de la nouvelle réglementation sur leur charge de travail. 90 % se sont positionnés entre 7 et 10. Rien d’étonnant donc à ce que près de 80 % aient affirmé que leur niveau de stress professionnel avait augmenté ("tout à fait" à 37,6 % et "un peu" à 41 %). Les principales raisons invoquées sont celles des délais imposés par la direction, ainsi que l’incertitude sur l’interprétation des exigences, notamment sur la prise en compte par l’ON d’éventuels nouveaux guides MDCG publiés après l’envoi d’un dossier. Des commentaires ont souligné qu’il était également délicat de se lancer dans le processus de marquage CE alors que l’ON n’y était pas forcément rodé.
A la question « Votre équilibre vie pro/vie privée s’est-elle dégradée ? », 60 % ont répondu "Oui" ("tout à fait" à 25,4 % et "parfois" à 33,2 %). Les répondants étaient très nombreux dans les commentaires à devoir se mobiliser le week-end et certains soirs pour pouvoir atteindre les objectifs de soumission et respecter les dates imposées par les ON.
Enfin, plus de la moitié des sondés ont répondu Non à la question « Mon travail a-t-il plus de sens aujourd’hui ? » ("pas du tout" à 12,2 % et "pas vraiment" à 42,9 %), et seulement 16,1 % "Oui tout à fait". Beaucoup pensent notamment que certaines interprétations par les ON sont jugées déraisonnables, comme par exemple, la nécessité que chaque section de la documentation technique soit autoportée ; ce qui entraine la répétition des mêmes informations et des risques d’erreur. Ce sentiment de devenir un "gratte-papier" a amené les répondants à penser que leur métier avait moins de sens qu’auparavant, envisageant même d'en changer pour certains.