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Nanomatériaux : des exigences particulières pour les dispositifs médicaux

Publié le 22 avril 2022 par Patrick RENARD
Nanoparticules de silice observées au microscope électronique à balayage
Crédit photo : LNE

Vecteur d'innovation dans le domaine médical, les nanomatériaux font l'objet d'exigences spécifiques dans le RDM. En pointe sur le sujet, l'institut LNE-Nanotech nous donne ici quelques clefs concernant l'évaluation des risques, qui nécessite une expertise particulière en matière de caractérisation.

Valérie Godefert

Par Valérie Godefert, Chef de produit Nanotechnologies à l'Institut LNE-Nanotech.

Lorsqu’on parle de nanotechnologies, le vocabulaire employé est crucial pour éviter toute confusion. Les nano-objets, définis scientifiquement dans la norme XP ISO/TS 80004-1, englobent les nanoparticules, les nanofibres ou encore les nanofeuillets, selon le nombre de leurs dimensions comprises entre 1 et 100 nm. Le terme nanomatériau (NM) est quant à lui un concept réglementaire. Certaines substances pourront ainsi contenir des nano-objets sans être pour autant qualifiées de NM si différents critères ne sont pas remplis. Ces critères sont donnés dans la recommandation de définition 2011/696/UE qui impose de considérer la distribution de taille en nombre des particules constituantes présentes (qu’elles soient libres ou sous forme d’agglomérat ou agrégat), ainsi que leur plus petite dimension externe (par exemple la section d’un tube).

Cette définition est reprise dans le règlement REACH ainsi que dans le règlement sur les dispositifs médicaux UE 2017/745 (RDM). Une définition très proche est aussi utilisée au niveau français dans le décret R-Nano. Ce dernier, applicable aux producteurs, intégrateurs, importateurs et distributeurs de substances à l’état nanoparticulaire depuis le 1er Janvier 2013, définit les informations à enregistrer pour répertorier l’utilisation des NM en France. La déclaration est obligatoire dès lors que plus de 100 g d’un NM sont manipulés par an. Ce dispositif règlementaire concerne donc une très large majorité des utilisateurs de NM.

Au niveau européen, le règlement REACH a été modifié par le règlement UE 2018/1881 pour prendre en compte les NM de manière spécifique avec une application de nouvelles exigences depuis le 1er janvier 2020 (forme, aire de surface spécifique, distribution de taille en nombre accompagnée d’une indication de la fraction de particules de tailles comprises entre 1 et 100 nm, pulvérulence…). La quantité seuil pour l’enregistrement des substances produites est fixée à plus de 10 tonnes/an.

Evaluer les risques pour le patient et l'utilisateur

Concernant les DM, le règlement européen intègre des exigences spécifiques aux NM avec un impact potentiel non négligeable sur des produits actuellement sur le marché. Ces exigences concernent principalement l’évaluation des risques associés à la taille et aux propriétés des particules qui sont libérées ou susceptibles de l'être dans le corps du patient, ainsi que le cas de l’exposition de l'utilisateur.

Les règles de classification des DM sont elles aussi impactées (§ 7.6 : Règle 19). Dès 2015, un document du SCENIHR1 apporte des éléments clés pour proposer l'exposition potentielle externe et interne comme point de départ d’une évaluation des risques des dispositifs contenant des NM. Différents facteurs sont inclus dans l’approche préconisée comme la durée d’exposition, le potentiel d’exposition interne / externe ou encore la dégradation du DM dans le temps, afin de pouvoir proposer une base de classification entre potentiel d’exposition élevé, moyen, faible ou négligeable. On retrouve par exemple :

  • dans la Classe III, lorsque la durée d’exposition est moyenne ou élevée, des cathéters et stents avec des revêtements contenant des NM,
  • dans  la Classe IIb, lorsque le potentiel d’exposition interne est faible, des kits d’administration de solution,
  • dans la Classe IIa, lorsque le potentiel d’exposition interne est faible à négligeable, des cathéters intravasculaires en polymère non dégradable dont la matrice contient des NM.

Les connaissances sur les produits impactés par ces dispositions évoluent au fur et à mesure des études menées en laboratoires.

Quelles stratégies analytiques ?

Un centre d'innovation français en matière d'analyse de nanomatériaux
Afin d’avancer sur le développement, l’harmonisation et la validation de méthodes de caractérisation et d’essais indispensables pour répondre aux problématiques de ce domaine, le LNE travaille à la mise en place en 2022 du Centre NanoMesureFrance. Ce projet, soutenu par Bpifrance et la région Ile-de-France, doit permettre de créer une structure capable d’identifier les besoins avec l’ensemble des parties prenantes concernées et de lancer les actions nécessaires (étude, comparaison inter-laboratoires, formation…) en lien avec les initiatives et acteurs clés aux niveaux français et européen.

Afin de pouvoir apporter des réponses à ces exigences réglementaires autour de la présence de NM dans les dispositifs médicaux, il convient de répondre à deux grandes questions :

  1. les substances particulaires utilisées dans la formulation du DM ou de parties de celui-ci sont-elles à considérer comme des NM ?
  2. si oui, des nano-objets sont-ils susceptibles d’être libérés dans les conditions prévisibles d’utilisation du DM et conduire ainsi à une situation d’exposition interne du patient ?

Répondre à la première question nécessite de caractériser la distribution de taille en nombre des substances suspectées. Cela implique de mettre en œuvre une (ou des) technique(s) de caractérisation adaptée(s) aux propriétés physico-chimiques de la substance. Dans le cas contraire, le risque est élevé de produire des données erronées et d’avoir ainsi une mauvaise classification de la substance. Des documents du JRC2 et de l’ANSES3 font la revue des techniques d’analyse disponibles et donnent des recommandations. Le stage de formation ME100 mis en place par le LNE permet également de mieux appréhender ce sujet complexe.

La stratégie analytique à déployer pour répondre à la seconde question peut également être complexe et doit prendre en compte de multiples paramètres pour faire les choix pertinents. Les nano-objets éventuellement libérés peuvent en effet l’être selon de faibles concentrations en nombre, sur une large gamme de taille, avec des formes de particules diverses et dans des matrices complexes. Le document ISO/TR 10993-22 donne quelques recommandations très générales pour aborder cette problématique, sans entrer cependant dans le détail des différentes méthodologies ou protocoles analytiques à mettre en œuvre. Cela peut conduire à des problèmes de comparabilité des résultats. Le recours à des laboratoires experts du sujet est ainsi essentiel à ce stade.

Références :
1 Opinion on the Guidance on the Determination of Potential Health Effects of Nanomaterials Used in Medical Devices

2 Rapport JRC - Identification of nanomaterials through measurements (DOI : 2760/053982)
3 Rapport ANSES - Revue des méthodes analytiques disponibles pour la caractérisation des nano-objets, de leurs agrégats et agglomérats en vue de répondre aux exigences réglementaires


www.lne.fr

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