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L’UE et la Suisse prennent des chemins différents sur la question des DM

Publié le 01 février 2022 par Patrick RENARD
Relations tendues entre la Suisse et l’UE : il vaut mieux ne pas miser sur un miracle à court terme.
Crédit photo : Christian Wasserfallen

Depuis 2002, un accord de reconnaissance mutuelle liait l'UE et la Suisse pour faciliter leurs échanges bilatéraux. Cet accord a cessé de s'appliquer en mai dernier, au détriment des fabricants de dispositifs médicaux, mais aussi des patients. ISS AG nous donne ici son point de vue.

Par Marie Gaumet, en charge de la gestion de projets et du développement commercial Suisse Romande chez ISS AG

Les échanges commerciaux entre l'Union Européenne (UE) et la Suisse sont très intenses. Cette dernière figure parmi les principaux partenaires économiques de l'UE en occupant respectivement les quatrième, troisième et second rangs en termes d'échange de biens, de services et d'investissements.

Les deux entités partagent des valeurs communes et coopèrent avec succès dans de nombreux domaines, dont la santé. Selon Swiss MedTech, l'association suisse de la Technologie Médicale, les exportations de dispositifs médicaux vers l'UE représentent environ 6 milliards de CHF par an, soit le double du volume des importations.

Un coup d'arrêt le 26 mai 2021

Rien n'est jamais acquis. Malgré une collaboration éprouvée depuis des années au travers d'une centaine d'accords bilatéraux, les négociations entre l'UE et la Suisse autour d'un accord institutionnel visant à sécuriser et développer les accès à leurs marchés respectifs ont été arrêtées le 26 mai 2021.

Cette date coïncide avec celle de la mise en application du règlement européen (UE) 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux (RDM), premier domaine victime de ce coup de blizzard. II en est de même pour les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro dont le règlement à venir le 26 mai 2022 n'est pas non plus couvert par l'accord de reconnaissance mutuelle (ARM) existant. Celui-ci s'accompagnait de mesures facilitant les échanges de dispositifs médicaux, comme la reconnaissance mutuelle des résultats d'évaluation de la conformité et l'alignement des exigences réglementaires. Il n'était d'ailleurs pas nécessaire de disposer d'un représentant autorisé sur chacun des territoires.

Que l'émotion l'ait emporté sur la raison, ou que les divergences politiques entre Berne et Bruxelles aient été trop substantielles, la volonté pourtant commune de sceller l'équilibre actuel n'a pas permis de trouver un compromis. Le Conseil Fédéral Suisse a rompu les négociations qu'il estimait infructueuses et l'UE ne souhaite pas actualiser d'accord bilatéral en l'absence d'accord institutionnel.

Résultat : la Suisse et l'UE se considèrent désormais mutuellement comme des pays tiers et chacun doit passer par des mandataires pour exporter ses dispositifs médicaux vers l'autre marché.

Des mandataires obligatoires des deux côtés

La contrainte pour les fabricants suisses de trouver un représentant légal européen (EC-REP) s'applique depuis le 26 mai 2021 et concerne tous les DM, y compris ceux certifiés sous l'ancienne Directive. Cet aspect est néanmoins contesté par des experts juridiques, argumentant qu'il s'agit d'une violation des accords bilatéraux qu'ils considèrent toujours en vigueur. Une démarche contre la Commission Européenne est d'ailleurs en cours.

Autre mauvaise surprise qui a aussi donné lieu à une plainte, la mesure prise par l'UE de ne plus reconnaître l'organisme notifié suisse SQS. A noter que ce dernier est en train de créer une filiale en Allemagne afin d'être de nouveau habilité à certifier des DM selon les exigences européennes.

ISS AG : un large éventail de services intégrés

ISS AG, Integrated Scientific Services, est basée en Suisse, à Bienne, avec un bureau à Genève, focalisé sur les régions francophones. Avec une cinquantaine d'experts, l'entreprise accompagne les fabricants de DM tant sur le plan stratégique qu’opérationnel, dans le développement, l’introduction et la maintenance sur le marché de leurs produits. Ses services sont basés sur une gestion professionnelle des connaissances, l’utilisation de méthodes scientifiques et l’exploitation des synergies entre ses divisions Règlementaires, Qualité & Ingénierie, Clinique et Digital MedTech.

Certifiée ISO 13485:2016 et possédant une CRO spécialisée dans l’investigation clinique des DM, ISS AG bénéficie aussi d’une vingtaine d’années d’expérience en MedTech lui permettant de résoudre des problèmes complexes à partir d’une seule source.

De son côté, la Suisse a octroyé aux fabricants de l'UE des périodes de grâce pour désigner un représentant légal (CH-REP) : 31 décembre 2021 pour les classes III et llb implantables ; 31 mars 2022 pour les classes Ila et llb non-implantables et 31 juillet 2022 pour les DM de classe l, les nécessaires et les systèmes. Ces fabricants doivent aussi se conformer à l'Ordonnance suisse sur les dispositifs médicaux (ODim), fortement inspirée du RDM et incluant des obligations de notification auprès de Swissmedic et d'étiquetage. Cet aspect étant une barrière importante à l'importation, la Suisse vient d'assouplir les exigences pour l'ensemble des dispositifs. Par exemple, un délai de transition jusqu'au 31 juillet 2023 a été accordé pour la mention du CH-REP sur le dispositif ou son emballage, pour les produits de Classe I certifiés selon le nouveau Règlement.

Des problèmes d'approvisionnement de l'UE vers la Suisse surtout

Quoi qu'il en soit, des problèmes d'approvisionnement sont à craindre. Concrètement, 350 fabricants helvétiques doivent désigner un EC-REP. En général les filiales sont sollicitées, à condition qu'elles puissent mobiliser les compétences règlementaires locales requises.

Cette démarche s'avère plus complexe pour les 5000 fabricants de l'UE qui exportent quelque 300000 dispositifs médicaux vers la Suisse et n'y sont en général pas implantés. Beaucoup d'entreprises risquent de renoncer, la disproportion entre la taille de ces marchés (447 millions d'habitants dans l'UE et seulement 9 millions en Suisse) jouant en défaveur des patients helvétiques. Ces derniers risquent en effet de devoir utiliser des produits moins appropriés à leurs besoins.

Toujours selon Swiss MedTech, un tiers des dispositifs médicaux importés depuis l'UE risquent de ne plus être disponibles. Cela représente 12 % des produits utilisés. En matière de sécurité, la suspension de l'assistance mutuelle privilégiée entre les autorités helvétiques et européennes, et le fait que la Suisse n'ait pas accès à la base Eudamed, limitent le suivi des produits sur le marché. La Suisse devrait néanmoins pouvoir atténuer ce risque par le biais de nouvelles mesures de surveillance, qui n'ont finalement pas besoin d'être calquées sur celles du système de l'UE.

En tout cas, il semble inutile d'espérer un retournement de situation à court terme, que ce soit au niveau politique ou via l'aboutissement des démarches juridiques en cours.

En plus de l'effort financier pour se mettre en conformité avec le RDM, les fabricants de l'UE doivent prévoir un investissement supplémentaire pour accéder au marché suisse, et réciproquement. Les surcoûts vont être inévitablement répercutés sur les utilisateurs finaux.

Au moment où l'innovation médicale se dit centrée sur le besoin des patients, ces derniers vont probablement être les plus impactés par les différentes mesures de rétorsion et de contre-rétorsion en cours.


www.iss-ag.ch

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