Loi sur l’encadrement des avantages : premiers retours d’expérience
Entrée en vigueur le 1er octobre 2020, la loi sur l’encadrement des avantages a considérablement impacté les procédures internes des entreprises dans le cadre de leurs relations avec les acteurs de santé. Avec maintenant quatre mois de recul sur ce dispositif, les premiers enseignements se dégagent.
Par Maître Laure Le Calvé, cabinet LCH et Laurent Clerc, BMI System
En France, il est interdit à de nombreux acteurs de la santé de recevoir des avantages illicites de la part d'industriels de ce secteur. De même, les industriels ne sont pas autorisés à proposer ou à procurer ces avantages aux professionnels de santé notamment. Ce dispositif anti-corruption également appelé "loi anti-cadeaux" vient d'être renforcé par la loi LEA (loi sur l'encadrement des avantages) qui est entrée en vigueur le 1er octobre dernier. Cette nouvelle loi étend le champ des entreprises et des personnes concernées et spécifie les avantages exclus. Elle établit de nouvelles règles en matière de traitement des déclarations et de demandes d'autorisation d'octroi d'avantages.
Des plates-formes de télétransmission de ces documents sont prévues. L’ancien site internet IDAHE du CNOM (Conseil National de l’Ordre des Médecins) a évolué pour prendre en compte les exigences de cette nouvelle loi, mais les contraintes héritées de la plate-forme V1 rendent encore mal adaptée la saisie de certaines informations (nombre de prises en charge limité à 5, saisie des bénéficiaires indirects, chargement des conventions signées,…).
Quant à EPS, la nouvelle plate-forme regroupant toutes les ARS et tous les autres conseils de l’ordre, elle nécessite beaucoup d’améliorations : l’enregistrement des conventions par bénéficiaire est insuffisamment adapté à la pratique réelle et à la saisie en nombre, la recherche de dossiers est difficile…
Enfin, pour ces deux sites, on regrettera l’absence de visibilité sur la mise en place de connecteurs pour faciliter la télétransmission des dossiers.
Voici les premiers constats qu'il est possible de faire.
Sur le retour des Autorités Compétentes
Nous notons la grande réactivité du CNOM qui répond aux interrogations des industriels, tout particulièrement sur l’utilisation de la plate-forme. Le CNOM a par ailleurs délivré certaines autorisations expresses, en deçà des deux mois d’attente prévus par la LEA.
En revanche, à ce jour, il y a peu de retours des ARS (Agences Régionales de Santé), qu’il s’agisse de recommandations ou de refus d’autorisation. Il est également extrêmement difficile d’identifier un contact au sein des ARS pour obtenir des informations.
A l’avenir, la coordination entre Autorités Compétentes sera déterminante pour garantir cohérence et homogénéité des modalités de traitement des dossiers, afin d’éviter d’avoir à gérer trop de spécificités "Autorité dépendantes".
Sur les dossiers hospitalité
COVID oblige, très peu d’événements ont eu lieu, de sorte qu’il n’est pas possible de tirer un quelconque enseignement de la soumission des dossiers relatifs à l’hospitalité offerte aux professionnels de santé.
Sur les conventions simplifiées
A ce jour, seul le CNOM a mis en place des conventions simplifiées pour les réunions répétitives organisées par les industriels du LEEM et du SNITEM avec des médecins, ce qui évite aux entreprises d'effectuer des formalités avant chaque réunion. Il est vivement attendu que les autres ordres professionnels concluent de telles conventions.
A défaut, les industriels sont contraints de procéder à des formalités préalablement à toutes les réunions auxquelles participent des professionnels de santé autres que des médecins, comme par exemple les staffs incluant des pharmaciens.
Sur les recommandations
Les recommandations qui peuvent être adressées à l’industriel par l’autorité compétente, dans le cadre du régime de la déclaration, n’ont pas de valeur contraignante. Néanmoins, il est bien évidemment de bon ton d’en tenir compte. Ces recommandations doivent ainsi être analysées et peuvent nécessiter, selon le cas, que le contrat soit modifié (par voie d’avenant) ou que les contrats suivants soient modifiés. Elles doivent également être adressées au bénéficiaire concerné. Il est arrivé que le CNOM transmette un certain nombre de recommandations "standardisées", dans le but - nous le supposons - de sensibiliser les industriels sur certains points importants (par exemple sur le fait que les médecins doivent toujours envoyer une copie du contrat à leur conseil départemental en application de l’article L. 4113-9 du code de la santé publique). Ces recommandations "standardisées" ont pu être adressées parfois dans le cadre de la déclaration de contrats qui prévoyaient bien cette obligation…. Les industriels se doivent toutefois de les faire parvenir au professionnel de santé concerné. Il peut être utile de prévoir en interne un modèle de lettre de communication, tout aussi "standardisé".
Sur les bénéficiaires indirects
Il s’agit là d’une des difficultés majeures de la LEA : identifier les bénéficiaires indirects et finaux, déterminer le montant de l’avantage qui leur est procuré indirectement par une association, une société savante, un organisateur de congrès (hospitalité indirecte par ex.), une société commerciale constituée par des médecins (dividendes ?)…. Outre le fait que les plateformes ne sont absolument pas structurées pour couvrir ce cas précis, il faudrait prévoir un mécanisme de transmission entre IDAHE V2 et EPS, qui à ce jour n’existe pas.
Sur les formalités concernant les associations
Les avantages procurés aux associations relèvent de la compétence des ARS, et doivent ainsi être soumis sur la plateforme EPS, qui exige de mentionner un bénéficiaire indirect…. Pourquoi ?
Sur les échantillons
Les échantillons de produits à finalité sanitaire hors médicaments sont à présent strictement règlementés : pas plus de 3 par an, dans la limite de 20 euros. Des exceptions sont néanmoins prévues, et elles s’appliquent "sans limite de montant" d’après les textes de la LEA. Malgré cette rédaction, la DGCCRF a confirmé que la limite en valeur ne s’appliquait pas non plus aux exceptions.