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Loi Jardé et Règlement (UE) 2017/745 : le point sur la matériovigilance
L'entrée en application du nouveau Règlement européen des dispositifs médicaux le 26 mai dernier a modifié la marche à suivre en termes de matériovigilance lors d'une investigation clinique. Deux experts de l'AFCROs nous détaille ces évolutions.
Par Nadia Zenasli et Christophe Grenot du groupe AFCROs-DM
Actuellement, en France, la recherche clinique est régie par la loi Jardé, qui encadre les "recherches impliquant la personne humaine (RIPH)" portant sur un dispositif médical (DM), un médicament ou un autre produit de santé. Ces recherches sont classifiées en 3 catégories en fonction du risque encouru par le participant. Les catégories RIPH 1 et 2 correspondent aux recherches interventionnelles avec risques et contraintes imposées aux patients et la catégorie RIPH 3 aux recherches non interventionnelles, sans risque ni contrainte.
Les RIPH portant sur un DM sont donc entendues comme toute investigation clinique (IC) d’un ou plusieurs dispositifs médicaux visant à déterminer ou à confirmer leurs performances et leur sécurité.
Le règlement n° 2017/745 (le règlement), applicable depuis le 26 mai 2021, vise à harmoniser l’ensemble des réglementations relatives aux DM dans tous les Etats Membres de l’Union Européenne (UE). Il précise et renforce de nombreuses exigences pour améliorer la santé et la sécurité des personnes, ainsi que la transparence, la traçabilité et l’évaluation médicale (notamment à travers la base de données EUDAMED et l’identifiant unique du DM).
Une procédure de déclaration évolutive pour EUDAMED
A terme, la déclaration des données de vigilance se fera via la base de données EUDAMED. Néanmoins, à la date de mise en application du règlement, le module EUDAMED dédié n'était toujours pas disponible.
Jusqu’au 25 mai 2021, le formulaire de déclaration du MEDDEV 2.7/3 devait être utilisé (annexe I). Depuis, nous nous situons dans une période de transition qui se divise en 2 phases :
- 1ère phase, jusqu’à la mise à disposition facultative du module dédié d’EUDAMED (date inconnue) : le formulaire de déclaration du MDCG (Medical Device Coordination Group) 2020-10/2 (annexe I) doit être utilisé.
- 2nde phase, à partir de la mise à disposition facultative du module dédié d’EUDAMED, il sera possible de l'utiliser ou de continuer avec le formulaire de déclaration du MDCG 2020-10/2 (annexe I).
Enfin, quand l’utilisation d’EUDAMED sera obligatoire (date inconnue), la déclaration se fera via la base de données, pour tous les nouveaux événements, et le formulaire de déclaration du MDCG 2020-10/2 (annexe I) servira uniquement pour les mises à jour d’événements déclarés sous ce format.
La sécurité et la performance d’un DM sont deux exigences fondamentales dont l’évaluation est couverte à la fois par la loi Jardé et le règlement.
Depuis le 26 mai dernier, avec le règlement, on ne raisonne plus en RIPH 1-2-3 pour les IC liées au DM ; on distingue les recherches pré-marquage CE et post-marquage CE. Dans le premier cas, les IC ont pour objectif d’établir la conformité des dispositifs, en termes de performance et de sécurité afin d’obtenir le marquage CE et dans le second cas d’approfondir l’évaluation d’un dispositif déjà muni du marquage CE, dans les limites de sa destination prévue.
Il est donc important de garder en mémoire qu’en France, la notion de RIPH encadre tous les produits de santé, et que dans l’UE, le règlement se limite aux DM qui entrent dans son champ d’application. En effet, le règlement européen n° 2017/746/UE relatif aux DM de diagnostic in vitro (DMDIV), n’entrera en application que le 26 mai 2022. De ce fait, pour les DMDIV, en France, les dispositions de la loi Jardé restent opposables et constituent le droit en vigueur, jusqu’à la mise en application du règlement pour les DMDIV.
Vigilance : les règles à observer lors d'une investigation clinique
L’encadrement de l’IC à travers le règlement converge avec l’encadrement applicable aux médicaments pour les essais cliniques. La sécurité du DM doit pouvoir être évaluée au regard du bénéfice apporté, la notion de bénéfice/risque y est renforcée.
En matière de vigilance, dans un premier temps, le promoteur doit s’assurer, en lien avec l’investigateur, que les événements indésirables (EI) lui sont notifiés dès leur survenue et au plus tard dans les 3 jours.
Dans un second temps, le promoteur doit notifier sans tarder aux autorités compétentes de tous les Etats Membres dans lesquels l’IC est en cours, et le cas échéant aux comités d’éthique :
- tout événement indésirable grave (EIG) entretenant avec le dispositif faisant l’objet de l’investigation, le comparateur, ou la procédure d’investigation, un lien de causalité avéré ou raisonnablement envisageable ;
- toute défectuosité d’un dispositif qui aurait pu aboutir à un EIG en l’absence de mesures appropriées ou d’une intervention, ou si les circonstances avaient été moins favorables ;
- tout nouvel élément concernant un événement visé ci-dessus.
Le promoteur doit notifier sans délai et au maximum dans les 48 heures après prise de connaissance les EIG associés à un risque imminent de décès ou à une blessure ou une maladie grave et qui justifient d’une prise en charge rapide, ou toute nouvelle information s’y rapportant.
Les autres EIG ou toute nouvelle information s’y rapportant doivent eux être déclarés sans délai et au maximum dans les 7 jours après que le promoteur en a eu connaissance.
Les circuits de déclaration des EIG vont reposer également sur 2 paramètres supplémentaires : la relation causale et le marquage CE.
- Les notifications relatives aux DM non marqués CE et aux DM marqués CE utilisés en dehors de leurs destinations suivront le système de déclaration des IC, et seront déclarés uniquement si l’événement est considéré comme relié.
- Les notifications relatives aux DM marqués CE utilisés dans leurs destinations, comme comparateurs, suivront le système déclaration des IC mais aussi celui de la vigilance/surveillance post-commercialisation.
Si le marquage CE a été obtenu avant la fin de l’IC, les modalités de déclaration restent inchangées jusqu’à la fin de l’étude.
En résumé...
L’application du règlement européen 2017/745 relatif aux DM, notamment pour la partie IC, concerne l’ensemble des acteurs du domaine et impose de nouvelles modalités de travail et de nouveaux défis, pour les autorités, les comités d’éthique des différents Etats Membres mais aussi pour les industriels. En raison de la complexité de la législation française qui nécessite un toilettage et de la lente évolution de l’environnement réglementaire européen qui tend vers une harmonisation, les fabricants de DM, notamment les petites et moyennes entreprises, peuvent être accompagnés par les CRO et bénéficier de leur expertise approfondie dans la gestion des IC, dans les différents domaines thérapeutiques et technologiques. Cette coopération a pour objectif de mettre en place des études réalisables, adaptées à la technologie et à l’indication du DM, tout en prenant en compte la sécurité du patient, notamment par une gestion appropriée de la vigilance des IC mais aussi post-commercialisation.