La sous-traitance industrielle nécessite-t-elle un contrat écrit ?
Depuis 2016, la mise en place d’un contrat écrit en cas de sous-traitance industrielle est devenue obligatoire dans certaines hypothèses. Maître Barbey nous explique qui cela concerne, les obligations qui en découlent et fournit quelques recommandations quant à la rédaction du contrat.
Astrid Barbey, avocat en droit de la santé
L’obligation d’établir un contrat écrit pour la sous-traitance industrielle pré-suppose de réunir quatre conditions :
- il doit s'agir de la fabrication de produits manufacturés,
- les produits doivent correspondre à un cahier des charges établi par le demandeur à la prestation de fabrication, ce qui exclut l’achat de produits "catalogue" manufacturés ;
- les produits doivent être intégrés dans « la propre production » du demandeur à la prestation de fabrication ;
- la prestation doit porter sur un montant minimum de 500 000 € (art. D.441-8 C. com.).
Mentions obligatoires et mentions recommandées
Les mentions devant figurer obligatoirement dans le contrat sont énoncées par l’article L.441-9 du Code de commerce.
Elles regroupent :
- l’objet de la convention, par exemple l’assemblage de composants destinés à former un dispositif médical et la mise sous blister ;
- les obligations des parties ;
- le prix ou les modalités de détermination du prix ;
- les conditions de facturation et les conditions de règlement ;
- les responsabilités des parties ;
- les garanties (par exemple, mise en jeu de la garantie de conformité, les modalités d'application d'une clause de réserve de propriété) ;
- la durée de la convention ainsi que les modalités de sa résiliation ;
- les modalités de règlement des différends.
D’autres mentions sont optionnelles, par exemple les règles régissant la propriété intellectuelle ou les modalités de mise en place d'une médiation.
Outre ces mentions imposées, le fabricant du dispositif médical doit impérativement prévoir, afin d'assurer sa sécurité juridique :
- un cahier des charges ;
- la possibilité d’audit et d’inspection du site de fabrication ;
- le respect des obligations relatives à la traçabilité de son dispositif médical ;
- le moment du transfert des risques et de la propriété ;
- les problèmes d’assurance des composants destinés à la prestation de sous-traitance et des produits finis.
Sanctions encourues
La DGCCRF pourra procéder à une enquête afin de vérifier que l’obligation de contrat écrit est respectée. A cette fin, la DGCCRF dispose d’ailleurs d’un accès aux locaux professionnels du fabricant, ainsi qu’aux logiciels et données stockées (art. L.450-3 C. com.).
Si nécessaire, elle peut mettre en demeure les parties de se mettre en conformité avec la législation (art. L.465-1 C. com.). La sanction ultime sera une amende administrative pouvant aller jusqu’à 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale (art. L.441-7 C. com.).
Un texte législatif ambigu
On déplorera une rédaction de l’article L.441-9 du Code de commerce hâtive et ambiguë.
Tout d’abord, le texte fait référence au terme « acheteur », ce qui signifierait qu’il s’appliquerait dans une relation d’achat/vente. Pourtant, tel n’est pas le cas. En effet, le texte vise les produits répondant à un cahier de charges, ce qui permet de qualifier le contrat de prestations de services. Le terme « acheteur » n’est donc pas approprié.
Ensuite, que faut-il entendre par des produits « fabriqués (…) en vue d'être intégrés dans sa propre production » ? Selon la DGCCRF , dans son commentaire sur le texte législatif, il s’agit de « produits entrant dans le processus de production » du fameux acheteur… La clarification pourrait être meilleure !
Enfin, comment interpréter ce seuil de 500 000 € en cas de commandes ouvertes ? Il n’y a aucune précision à ce sujet.
Ainsi faudra-t-il attendre les décisions judiciaires pour répondre à ces questions qui ne manqueront pas d’être soulevées à l’occasion des enquêtes de la DGCCRF ou des conflits judiciaires entre sous-traitant et donneur d’ordre.
Les industriels de la santé, et autres industriels, méritaient mieux que ce texte ambigu qui était censé protéger les Contract Manufacturing Organisations (CMO). Cette rédaction peu réfléchie crée surtout de l’insécurité juridique.