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Des milliers de DM contrefaits mettent en danger la vie des patients
Phénomène massif qui touche tous les produits du marché, la contrefaçon est particulièrement dangereuse quand il s'agit de dispositifs médicaux. On le voit avec l'exemple du LifeVac, évoqué dans cet article par Muriel Gonidec qui aborde la problématique de la lutte contre ce fléau au niveau européen.
Par Muriel Gonidec, Directrice Générale de DM Experts SAS
La MHRA (Medicines & Healthcare products Regulatory Agency) au Royaume-Uni a lancé, le 25 mars 2024, une alerte de sécurité concernant des copies du dispositif médical LifeVac de la société LifeVac Europe Ltd.
Ce produit est destiné à désencombrer les voies respiratoires dans les situations d’urgence. Son fonctionnement est simple : connecté à un masque placé sur la bouche du patient, il est d’abord vidé de son air par une action de compression, puis une dépression est créée manuellement pour aspirer l’obstruction hors de la bouche.
Le LifeVac est un dispositif de classe I selon la directive 93/42/CEE (DDM) et selon le règlement (UE) 2017/745 (RDM). Il est fabriqué soit en Grande-Bretagne (avec marquage CE et UKCA), soit aux États-Unis pour les marchés hors Union européenne. Les dispositifs contrefaits sont, quant à eux, fabriqués en Chine.
Un risque majeur d'étouffement
Certaines copies n'intègrent pas la soupape unidirectionnelle qui permet de vider le dispositif de son air avant l'aspiration. Résultat : au lieu d'être expulsé à l'extérieur, cet air va être envoyé dans les bronches, ce qui va repousser davantage l'obstruction à l’intérieur des voies respiratoires et rendre son extraction encore plus difficile, avec un risque majeur d’étouffement pour le patient !
Ces dispositifs contrefaits sont disponibles encore aujourd’hui sur plusieurs sites de vente en ligne bien connus, et il est difficile, dans les annonces, de les distinguer des dispositifs originaux, qui sont également vendus sur internet.
Dès novembre 2022, LifeVac Europe a publié une alerte en français sur son site internet pour signaler la présence de dispositifs contrefaits, expliquer les risques encourus, et fournir les explications nécessaires pour les distinguer des produits originaux.
Cependant, les ventes par différents canaux ont permis de mettre sur le marché des dizaines de milliers de produits contrefaits, qui constituent une véritable bombe à retardement.
Des marquages absents ou illégaux
Le LifeVac s'utilise avec un masque qui est, quant à lui, un dispositif de classe IIa selon la DDM et selon le RDM. Il est fabriqué en Chine.
Dans sa version originale, le masque dispose de marquages EC-REP pour le mandataire en Europe, et CH-REP pour le mandataire en Suisse: rien de tel dans le cas des masques contrefaits (qui sont également fabriqués en Chine). Une différence qui permet de les distinguer facilement.
On notera que ces produits contrefaits arborent le marquage CE 0123, apposé illégalement puisque le TÜV SÜD ne les a jamais certifiés.
Lutte contre les DM contrefaits : une situation confuse en Europe
La "Direction européenne de la qualité du médicament et des soins de santé" du Conseil de l’Europe a procédé en 2023 à une enquête européenne sur la falsification des dispositifs médicaux. Les résultats sont rassemblés dans un rapport (en anglais) qui a été rendu public le 28 novembre 2023.
Les réponses collectées confirment que la falsification des dispositifs médicaux en Europe est un problème majeur, mais que peu de données sont disponibles, avec des investigations et des poursuites qui restent rares. Les nouveaux règlements sur les dispositifs médicaux, qui ont introduit l’Identifiant Unique des Dispositifs (IUD) et la base de données EUDAMED, devraient faciliter le repérage des dispositifs falsifiés, mais ils ne sont pas encore pleinement opérationnels.
DMEXPERTS est une société de services de veille, formation et conseil, assurés par des experts seniors, qui s’engage depuis 10 ans dans la conformité réglementaire et normative auprès de tous les acteurs de la filière des dispositifs médicaux. Sa devise : « Ensemble, nous réussirons ! »
Par ailleurs, aucun consensus n’existe entre les pays européens sur le cadre juridique à utiliser pour les produits falsifiés : doivent-ils être déclarés comme incidents de matériovigilance ? Certains pays considèrent que la falsification (de dispositifs médicaux) ne relève pas du RDM, mais plus largement d’une réglementation générale sur les produits contrefaits. Les autorités en charge des contrôles correspondants sont différentes selon le cadre juridique retenu, ce qui explique le manque de coordination et d’échanges sur les produits contrefaits à l’échelle européenne.
Il reste donc encore beaucoup de progrès à faire dans la lutte contre ce fléau. A l’échelle individuelle, on retiendra qu’il faut être extrêmement vigilant lorsque l’on achète des dispositifs médicaux via des plateformes de vente en ligne, surtout s’il s’agit de dispositifs d’urgence destinés à sauver des vies.