Bilan de l’interprétation et de l’application du RDM par le GMED
Les nouveaux Règlements DM et DMDIV entreront respectivement en application en 2020 et 2022. Lors de la Rentrée du DM 2018, Corinne Delorme a dressé un bilan de l’avancement des travaux d’interprétation et des mesures prises par le GMED pour faire face au risque potentiel de pénurie d’organismes notifiés. Nous l’avons interviewée pour connaître les dernières évolutions.
Par Evelyne Gisselbrecht, DeviceMed
Madame Delorme, où en sommes-nous de l'interprétation et de l'application du RDM ?
Même si l'ensemble des parties prenantes a déjà accompli un gros travail, le chantier est loin d'être terminé. Je recommande vivement aux industriels de consulter régulièrement le site web de la Commission Européenne pour suivre les publications et bien comprendre les évolutions. Dans tous les cas, plusieurs groupes européens travaillent intensément à l'interprétation du RDM depuis sa publication. Ils sont le plus souvent réunis sous l'égide de la Commission Européenne. Les principales parties prenantes sont :
- le MDCG ou groupe de coordination des DM qui constitue l'organe essentiel,
- le CAMD ou groupe des autorités compétentes,
- les groupes en charge de la mise en place de la base de données EUDAMED,
- la Commission Européenne et notamment le JRC (Joint Research Centre),
- les opérateurs économiques,
- et les organismes d'évaluation de la conformité.
Les associations de patients et les sociétés savantes participent elles aussi à certains travaux.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la composition du MDCG et sur ses missions ?
Il s'agit d'un groupe institué par le nouveau règlement qui joue un rôle moteur. Présidé par la Commission Européenne, il se compose de 4 représentants par Etat-membre : 2 pour le DM et 2 pour le DMDIV. Ses tâches sont définies dans les articles 103 à 105 du Règlement :
- évaluation des organismes notifiés (ON) et participation à leur coordination,
- élaboration d'orientations pour une application efficace et harmonisée, qu'il s'agisse des exigences générales en matière de sécurité et de performances, des évaluations cliniques, des investigations cliniques ou de la vigilance,
- suivi permanent des progrès techniques et modification nécessaire de l'annexe I relative aux exigences générales en matière de sécurité et de performances,
- élaboration de normes, spécifications communes et d'orientations scientifiques pour les DM implantables et de classe III,
- soutien aux Etats-membres en cas de problèmes d'arbitrage sur la classification et le statut, les investigations cliniques, la vigilance et la surveillance du marché,
- harmonisation des pratiques administratives dans les Etats-membres.
Le MDCG prend ses décisions par consensus. En l'absence de consensus, il procède à un vote. Il peut inviter les parties intéressées (opérateurs économiques, ON...) à participer aux discussions.
Ouvrir l'accès au plus de marchés possible
GMED a été créé en 1994 en tant qu'organisme notifié au regard de la directive 93/42/CE. Il est donc en charge d'évaluer la conformité du système de management de la qualité des entreprises aux normes en vigueur (ISO 13485 notamment) et, pour les dispositifs médicaux à risques, de la conformité de ces DM aux exigences de sécurité et de performance de la directive. La portée de désignation du GMED est assez large, autrement dit il est notifié pour évaluer une large palette de types de DM.
Le GMED est reconnu dans le cadre de programmes internationaux en lien avec la norme ISO 13485 et est l'une des premières "auditing organizations" reconnues sur le programme MDSAP. Il a passé des accords avec l'Ukraine et est en pourparlers avec l'Arabie Saoudite. Il a également établi une filiale aux Etats-Unis.
Son but : ouvrir aux industriels l'accès au plus de marchés possible.
Le groupe des autorités compétentes travaille sur la surveillance du marché. Selon quels axes ?
L'un des items de travail du CAMD est la mise en place d'inspections conjointes des fabricants avec le développement d'outils qui permettraient, a posteriori, d'aboutir à une vision partagée du marché par les autorités compétentes. Ce travail est également destiné à fournir de l'information à tous les acteurs du marché : fabricants de DM, professionnels de santé, patients et utilisateurs, ON... Ce groupe invite d'ailleurs les industriels à poser des questions, à présenter des réponses éventuelles et s'engage à y réfléchir, même s'il ne peut pas garantir de fournir lui-même une réponse. A noter tout de même que la vision du CAMD, tout comme les guides émanant du MDCG, sur l'interprétation du règlement n'ont pas de valeur légale, l'interprétation définitive devant être validée par la Cour de justice de l'Union Européenne.
Quel est l'état d'avancement de la base de données européenne EUDAMED ?
Depuis 2 ans, la Commission Européenne a alloué des ressources très importantes dans le but de finaliser EUDAMED dans les délais prescrits par le Règlement. Plusieurs groupes de travail représentant l'ensemble des parties prenantes y ont œuvré très activement. Au terme de nombreuses discussions, ils sont parvenus à établir un cahier de spécifications fonctionnelles à la rentrée 2018, conformément à l'agenda. La conception d'EUDAMED doit désormais être finalisée, elle fera ensuite l'objet d'un audit dont le résultat sera soumis au MDCG pour analyse, avec l'objectif de lancer, comme prévu, la base de données en mai 2020. Un énorme travail d'importation de données de la part de tous les acteurs est à prévoir.
Quelles sont les missions du JRC ?
Le Joint Research Center a été missionné en particulier par la Commission Européenne pour travailler sur la typologie des incidents en matière de vigilance mais aussi pour préparer les modalités d'exercice des organismes scientifiques, c'est-à-dire des experts et des laboratoires (articles 106 du Règlement DM et 100 du Règlement DMDIV). Parmi les missions identifiées par le JRC figurent l'élaboration d'orientations pour l'évaluation clinique et l'évaluation des performances satisfaisant à l'état de l'art, ainsi que l'élaboration de normes à l'échelle internationale correspondant elles aussi à l'état de l'art.
Comment la situation se présente-t-elle aujourd'hui en ce qui concerne les organismes notifiés ?
Selon les chiffres donnés par la Commission Européenne en octobre dernier, ils sont 33 à avoir soumis leur candidature, dont plus de la moitié sont des membres de l'association Team NB. Le délai de désignation est de 18 mois après dépôt de la candidature. 90% des membres de Team NB, dont nous faisons partie, ont déjà été audités. Les candidatures émanant de membres de Team NB couvrent l'ensemble des codes de désignation. Dans tous les cas, Team NB participe activement aux groupes de travail de la Commission et travaille à harmoniser les pratiques.
Tout comme les fabricants, les organismes notifiés sont soumis à de nouvelles exigences, notamment sur l'impartialité, la gestion de la sous-traitance, la qualification du personnel et le processus de certification. Ces nouvelles pratiques auront nécessairement un impact sur les relations entre ON et fabricants. On observera ici un phénomène de transitivité entre les exigences imposées aux ON et celles incombant aux industriels. Il faut d'ores et déjà analyser ce phénomène et regarder ensemble comment y faire face.
Quelques chiffres sur le GMED
- 140 collaborateurs dont plus de 30 dans la filiale américaine,
- plus de 200 collaborateurs d’ici 3 ans,
- 850 clients dans le monde,
- plus de 3500 certificats actifs.
Quelles sont les actions menées par le GMED pour réagir à la pénurie probable d'ON à venir ?
Le GMED a fait d'énormes efforts pour répondre aux besoins futurs des industriels. Il a été parmi les tout premiers organismes notifiés à déposer son dossier de désignation au regard du nouveau règlement dès la mi-décembre 2017. Nous faisons partie des 10 % d'ON dont l'évaluation pour la désignation a démarré immédiatement et nous avons déjà franchi beaucoup d'étapes. Nous avons communiqué de façon régulière avec l'ANSM durant la revue préliminaire pour lui apporter rapidement tous les éléments nécessaires. Par ailleurs, nous avons procédé à un changement radical de structure juridique en filialisant GMED, dans le but de gagner en agilité et ainsi de pouvoir mieux répondre aux attentes de nos clients. Cela nous apporte plus de liberté en matière de gestion de ressources et une grande autonomie dans les investissements. Nous avons déjà augmenté nos effectifs de 20% en 2018.
Quels conseils donneriez-vous aux fabricants pour ne pas avoir à "subir" le RDM ?
Je leur conseille en premier lieu de profiter de ce changement majeur pour lancer des plans d'action qu'ils hésitaient peut-être encore à mettre en œuvre, notamment en ce qui concerne la rationalisation de leurs gammes de produits.
Par ailleurs, je leur recommande tout particulièrement de devenir acteurs de l'interprétation de ce nouveau règlement s'ils ne le sont pas encore et de s'organiser pour représenter leurs intérêts au sein des différentes discussions. Cette démarche demande bien sûr de l'énergie mais elle n'est pas réservée exclusivement aux grandes entreprises. Les PME peuvent elles aussi apporter des éléments de terrain aux groupes en charge de l'interprétation des textes. Beaucoup de travaux d'interprétation sont encore possibles !