AFNOR Certification, 2ème organisme notifié français : à quelle échéance ?
Déjà très investie dans le secteur de la santé en tant qu'organisme certificateur, AFNOR Certification a déposé une demande de désignation. Elle s'appuie, pour sa future organisation, sur l'expertise de Berlin-CERT, l'organisme déjà notifié du groupe. Nous avons demandé à Anthony Delamotte, responsable d'AFNOR Medical, où en était le projet.
Par Evelyne Gisselbrecht, de DeviceMed
Pouvez-vous nous expliquer l'origine du projet, pour AFNOR Certification, de devenir un organisme notifié ?
Ce projet est né lors de l'appel à candidature lancé par le Ministère des Solidarités et de la Santé et le Ministère de l'Economie et des Finances en novembre 2018. Cet appel, qui s'adressait aux organismes certificateurs accrédités COFRAC pour la norme ISO 13485:2016, faisait suite au constat d'insuffisance d'organismes notifiés (ON) au titre du nouveau règlement (UE) 2017/745. En France, la situation est particulièrement préoccupante, puisqu'à ce jour, notre pays, qui est pourtant le deuxième marché du DM en Europe, ne compte qu'un seul ON, alors qu'on en dénombre une dizaine en Italie ou en Allemagne.
Notre direction a décidé de répondre favorablement à cet appel car AFNOR Certification était déjà très investie dans le secteur de la santé : d'une part nous sommes accrédités par le COFRAC pour la certification des systèmes de management de la qualité selon la norme ISO 13485, ainsi que pour la certification des centres de ressources biologiques (NF S96-900), des centres d'hébergement de données de santé, des articles d'emballage primaire pour médicaments (ISO 15378), pour ne citer que quelques-unes de nos prestations dans ce domaine. D'autre part, le groupe AFNOR compte déjà un organisme notifié, Berlin CERT, qui est en cours de désignation pour le nouveau règlement. AFNOR Certification peut donc s'appuyer ici sur une double compétence et peut capitaliser sur l'expérience dont elle dispose déjà.
Quelles sont les grandes étapes pour devenir un organisme notifié et où en êtes-vous aujourd'hui ?
La première étape consiste à déposer un dossier de candidature auprès de l'ANSM, qui est l'autorité nationale compétente. Pour ce qui nous concerne, nous avons soumis ce dossier en juin 2020. L'ANSM vérifie que l'ensemble des éléments demandés est bien présent et se prononce sur la recevabilité du dossier. C’est la deuxième étape. Si le dossier est jugé recevable, l'agence en informe la Commission Européenne. La troisième étape est l'émission, par l'ANSM, d'un pré-rapport d'évaluation. Il s'agit d'une évaluation plus technique du dossier en vue de sa soumission à la Commission Européenne. Nous venons de franchir ce stade et sommes en attente de la quatrième étape, à savoir une inspection sur site réalisée par une joint assessment team, qui sera constituée d'inspecteurs de la Commission Européenne, d'inspecteurs de l'ANSM et des inspecteurs de deux pays membres. Cette inspection devrait se faire au cours du 2ème trimestre 2021. Il s'agira pour AFNOR Certification d'un moment décisif où il faudra gagner la confiance de la Commission Européenne en démontrant toutes nos ressources et compétences pour le champ de désignation demandé. Si des non-conformités sont relevées durant cette inspection, nous devrons présenter à l'ANSM un CAPA plan et mettre en place des corrections et actions préventives. L'ANSM effectuera le suivi de ces démarches et établira, lorsque tout sera en ordre, un rapport final qu'elle transmettra à la Commission Européenne. Nous espérons que cela sera le cas d'ici la fin de l'année. Enfin, la dernière étape est la désignation elle-même, avec consultation du MDCG (Medical Device Coordination Group) et publication de la notification sur le NANDO. Cette notification devrait être effective pour AFNOR Certification dans le courant du 2ème semestre 2022.
Pouvez-vous nous dire sur quels secteurs vous vous concentrerez et quels produits vous excluez ?
Nous nous concentrerons en premier lieu sur les champs de compétence de Berlin CERT, de manière à pouvoir tirer parti des ressources existantes. Nous avons demandé notre désignation pour une majorité de codes dans les DM actifs hors DMIA, à savoir les dispositifs actifs pour le diagnostic et pour les thérapies.
Nous avons également sélectionné les codes de certains dispositifs médicaux non actifs de classe III, qu'il s'agisse par exemple d'implants en cardiologie, en orthopédie ou en neurologie. Nous nous sommes positionnés aussi sur les instruments. Le but pour nous est de répondre au plus large besoin possible, tout en demeurant dans les limites de notre expertise actuelle. A ce jour, nous n'avons pas demandé à intervenir dans le domaine des DM de diagnostic in vitro qui exigent des compétences autres.
L'intégralité des codes pour lesquels nous avons candidaté est consultable sur le site internet de DeviceMed via ce lien.
Quels moyens vous donnez-vous pour parvenir à couvrir tous ces codes lorsque vous aurez obtenu votre désignation ?
Nous avons établi un business plan qui intègre bien sûr un plan de recrutement. La délivrance du certificat de marquage CE par un ON fait intervenir trois métiers : les experts cliniques, les examinateurs de produits et les auditeurs. Nous disposons déjà des auditeurs puisque la business unit AFNOR Medical réalise des audits de certification de conformité à l'ISO 13485, ainsi qu'à de nombreux autres référentiels en lien avec le DM. Sur les aspects cliniques, nous avons identifié et déjà formé trois experts qui sont prêts à signer leur contrat d'embauche dès notre désignation effective. Il s'agit de praticiens hospitaliers qui travailleront pour nous à temps partiel afin de maintenir leurs activités médicales. Nous avons également identifié et qualifié des experts cliniques externes. Quant aux examinateurs de produits, des recrutements vont s'échelonner sur 2021. Les premiers d'entre eux rejoindront nos équipes dans les prochaines semaines et assisteront à l'inspection sur site de la Commission Européenne.
Les fabricants peuvent-ils d'ores et déjà se rapprocher de vous pour de futurs projets ?
Nous avons déjà de nombreux contacts et mesurons à quel point l'attente est importante. Aujourd'hui, sur 56 ON désignés au titre de la Directive, seuls 18 sont notifiés pour le RDM, ce qui est peu. On estime qu'il ne restera au final que 80 % des ON, soit une quarantaine en tout. En parallèle, le nombre de fabricants de DM augmente, ce qui rend l'accès aux ON encore plus difficile. La candidature d'AFNOR Certification est considérée par beaucoup comme une opportunité. Nous comptons déjà plusieurs dizaines de clients qui se sont engagés avec nous pour la certification ISO, dans l'optique de nous solliciter par la suite pour le marquage CE de leurs produits. Je pense notamment à des éditeurs de logiciels DM dont les produits changent de classe avec le nouveau règlement mais qui disposent d'une période de grâce et calculent déjà qu'en 2022 ou 2023 ils pourront solliciter AFNOR Certification pour leur marquage CE. Nous avons commencé à dresser une liste d'attente de fabricants. Le fait que nous soyons le premier organisme certificateur en France et la largeur des champs que nous couvrons pour la certification séduisent certains industriels qui apprécient la perspective d'avoir un seul et même interlocuteur pour la qualité et le marquage CE. En tout cas, il est très important que nous tenions les fabricants régulièrement informés de l'état d'avancement de notre désignation.
Envisagez-vous d'être membre de l'association Team NB ?
A ce jour, nous sommes déjà membre de NBCG-Med, un groupe de travail constitué d'organismes notifiés, sous l'égide de la Commission Européenne. AFNOR Certification est autorisée à assister aux réunions de NBCG-Med bien que n'étant pas encore notifiée. Pour sa part, Berlin-CERT fait partie d'Eukamed, qui est en quelque sorte l'équivalent en Allemagne de Team NB. Cela nous permet de nous tenir informés de manière assez complète. Les membres de Team NB doivent être impérativement désignés. Nous n'excluons pas d'en faire partie lorsque nous en serons là.
Que pensez-vous des audits à distance ?
Ils ne peuvent pas, à mon avis, se substituer intégralement aux audits sur site. Mais nous devons tenir compte du fait que nos clients sont de plus en plus demandeurs pour ce qui est des certifications ISO et que ce type d'audit permet à tous d'avancer en dépit de la pandémie. Chez AFNOR Certification, nous n'effectuons jamais d'audits à distance auprès de fabricants de DM chez qui nous ne nous sommes pas encore rendus. Pour certains aspects de la certification ISO 13485, il n'est pas nécessairement utile de se rendre sur site. En revanche, pour d'autres (par exemple la vérification des salles blanches ou des outils de production), cela me semble impératif. Ce qui importe avant tout, c'est que le certificat délivré ait la même valeur, quelles que soient les modalités des audits effectués.