De la céramique dans le plastique pour détruire virus et bactéries
Spécialisée dans la chimie verte, la PME Pylote a développé une solution étonnante, à la fois simple et efficace, pour rendre le plastique antimicrobien, durablement. Son principe : l'intégration de microsphères de céramique qui jouent un rôle de catalyseur. Les applications potentielles sont légion.
Abordée dans un article publié en début d'année, la technologie de Pylote mérite qu’on revienne plus en détail sur ce qui s’apparente à une véritable révolution. Une innovation de rupture particulièrement utile à l’heure de la guerre mondiale contre les micro-organismes.
C'est d'ailleurs dans le cadre de la lutte contre la COVID-19 que l'entreprise toulousaine vient d'annoncer, en partenariat avec le fabricant et transformateur de rubans adhésifs Gergonne, la première mise sur le marché de sa technologie. Il s'agit d'un film adhésif baptisé Coversafe, qui a été qualifié industriellement et testé contre les coronavirus et les bactéries au sein du laboratoire Fonderephar (certification COFRAC). Les tests ont été effectués selon les méthodologies de la norme ISO 21702 adaptée pour la souche de coronavirus humain 229E et celles de la norme JIS Z 2801 adaptée pour les bactéries. Les premiers clients sont notamment des entreprises industrielles de services, de biotechnologie, de dispositifs médicaux (SGH HealthCaring et Cutting Edge) et de traitement des déchets à risque infectieux.
Une spin-off de la recherche française
Tout a commencé au CNRS avec une découverte qui a engendré la création, en 2009, de la société Pylote. Aussi curieux que cela puisse paraître au premier abord, les recherches ont abouti au constat que la présence de micro-sphères minérales dans du plastique confèrait à ce dernier des propriétés antimicrobiennes.
Contrairement à la propriété antimicrobienne de l'argent, qui repose sur un mécanisme de migration de matière, cette technologie est basée sur un mécanisme de catalyse. « Lorsqu’une molécule d’eau vient au contact d’une microsphère, elle est cassée par catalyse générant un radical hydroxyde qui va tuer la bactérie », résume Loïc Marchin, PDG de l'entreprise. « C’est le même mécanisme de défense que celui du corps humain ». Il n'y a ainsi pas d’épuisement de la propriété antimicrobienne dans le temps, contrairement à la migration qui caractérise le recours à l'argent.
Des sphères produites proprement
« C’est une technologie que l’on a voulu maintenir à l’échelle du micron pour éviter de rentrer dans la problématique associée aux nanomatériaux », souligne Loïc Marchin. L’entreprise s’est ainsi orientée vers des billes de céramique de 2 à 5 microns de diamètre, sphériques et dissociées les unes des autres. L’entreprise a développé un procédé de fabrication de ces sphères, qui présente l’avantage d’être respectueux de l’environnement, en n’utilisant que l’eau comme solvant, en une seule étape.
Efficacité et sécurité assurées
Pylote fait appel à des laboratoires accrédités à faire passer les tests normalisés ISO pour évaluer l’efficacité et l’innocuité de sa technologie, dans différentes applications nécessitant une conformité règlementaire. Cela a été fait notamment avec un embout de spray nasal, qui combine risque élevé d’infection et difficulté de nettoyage. « On a pu démontrer l'efficacité de notre technologie sur les germes présents dans la fosse nasale », souligne Loïc Marchin.
De manière générale, il a été démontré que la technologie fonctionne sur les virus (grippe, gastro-entérite, conjonctivite…), ainsi que sur les bactéries classiques mais aussi résistantes (type MRSA, résistantes à la méticilline). « Et cela sans générer de bactériorésistance, contrairement à de nombreuses autres technologies », ajoute Loïc Marchin.
Les tests montrent aussi que cet effet antimicrobien ne diminue pas avec le temps, et que la sécurité du consommateur et de l’environnement est assurée, notamment en termes de cytotoxicité. Un point essentiel dans le médical.
Rien à changer côté transformation
Ce qui est particulièrement intéressant, c’est le fait que les billes minérales sont intégrées dans la matière plastique au stade de la granulation. Autrement dit, il n’est pas nécessaire de modifier le procédé de transformation du plastique, qu’il s’agisse d’injection, d’extrusion ou de thermoformage. Nul besoin de requalification.
La technologie de Pylote a fait l'objet du dépôt de 11 familles de brevets, concernant l’ensemble de la chaîne : le procédé de fabrication des billes de céramique, les billes elles-mêmes, leur intégration dans les matériaux, les matériaux avec les billes dedans, et les applications qui en découlent.
On peut facilement imaginer un éventail très large d’applications potentielles, répondant à une problématique de propreté micro-biologique. D'autant plus que Pylote a étendu l’application de sa technologie à la réalisation de fibres (en polymère), afin de confectionner par exemple des tissus de sièges de trains ou d’avions, des pinceaux pour le maquillage, ou encore des textiles médicaux. La technologie peut même s’appliquer à la peinture, toujours à partir de polymère. La société a ainsi pu annoncer, l'an dernier, des résultats conformes aux certifications Airbus et Boeing d'une peinture antimicrobienne pour les cabines d'avion.
Le médical en priorité
Le secteur pharmaceutique a été le premier à s'intéresser à la technologie de Pylote au travers d’accords de référencements mutuels avec Argo (2016) et avec Pharmaster (2017), concernant respectivement la fabrication de flacons compte-gouttes pour l’ophtalmologie et leur remplissage. Ont suivi d’autres accords du même type, avec Amcor autour d’un emballage de produit pharmaceutique liquide, ainsi qu’avec les sociétés CL Tech, Cosmogen et Asquan, dans le secteur des cosmétiques, et plus récemment Curtil dans le domaine alimentaire.
Suite à ces accords, les prochains produits à entrer en production cette année devraient donc concerner cette année l'emballage et l'administration de médicaments. On peut naturellement s'attendre à voir fleurir d'autres applications autour de divers types de dispositifs médicaux.
En plus des produits et des emballages, la stratégie de Pylote est d’adresser le marché des salles propres destinées à la fabrication de médicaments et de dispositifs médicaux. Cela concerne les différents composants d’une salle propre mais aussi les équipements de fabrication qui y sont intégrés. Dans le même ordre d’idée, la société vise aussi les lieux publics (hôpitaux, maisons de retraite, crèches, lieux de transport, véhicules partagés…) comme c'est le cas avec le film adhésif Coversafe.