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Une planification chirurgicale réduite de plusieurs jours à un quart d’heure

Publié le 02 décembre 2024 par Romain FOURNIER
Interface de planification de la pose d'une prothèse de genou
Crédit photo : OneOrtho Medical

Fabricant d'implants orthopédiques sur mesure, OneOrtho Medical a fait appel à l'expertise de Neovision pour optimiser sa plateforme de planification chirurgicale à l'aide de l'intelligence artificielle. Résultat : un processus de planification 200 fois plus rapide, en maintenant un niveau de performance comparable à celui des experts.

Les avancées technologiques et les méthodes de modélisation basées sur l’exploitation de CT-scans permettent désormais une planification plus précise des interventions de chirurgie orthopédique. Les chirurgiens peuvent effectivement anticiper avec exactitude le modèle de prothèse et de guide de coupe adapté à chaque cas patient ainsi que leur positionnement précis.

C'est la raison d'être de la plateforme numérique de planification proposée par OneOrtho Medical dans le cadre des interventions chirurgicales de pose de prothèses pour diverses articulations telles que la cheville, la hanche, le genou et l'épaule.

Automatiser les étapes cruciales de la planification

Afin, principalement, d'accélérer le processus de planification chirurgicale, OneOrtho Medical a décidé de l'automatiser en y intégrant des solutions d'intelligence artificielle. Pour ce faire, le fabricant stéphanois s'est associé à Neovision dont les interventions couvrent trois problématiques distinctes :

  • le traitement des données brutes
  • la segmentation des os, pour la reconstruction des articulations sous forme de modèles 3D
  • la détection de points anatomiques, pour la fonctionnalisation des articulations, nécessaire au positionnement des prothèses.

Ceci pour les articulations du membre inférieur, à savoir la cheville, le genou et la hanche.

Basée à Grenoble, Neovision est une société de conseil et d’ingénierie experte en intelligence artificielle. Elle fournit à ses clients des solutions sur mesure et clé-en-main grâce à un accompagnement personnalisé.

Le traitement des données brutes représente une étape préliminaire essentielle et complexe en raison de la variabilité de ces données cliniques. L’extraction, le nettoyage et la normalisation des images 3D pertinentes ont nécessité un important travail pour obtenir des données propres et exploitables pour les technologies de deep learning étudiées par la suite.

La deuxième étape concerne la reconstruction 3D des os des articulations, impliquant une tâche de segmentation 3D multi-labels. Le modèle IA développé catégorise chaque voxel (pixel 3D) de l'image, déterminant s'il appartient à l'un des os de l'articulation ou s'il n'appartient à aucun os.

Enfin, Neovision aborde la fonctionnalisation des articulations, une tâche de détection 3D de points anatomiques. Par exemple, pour la cheville, trois points doivent être détectés : le centre du plateau tibial, le sommet du dôme tibial et le sommet du dôme talien. Ces points sont initialement positionnés selon un protocole d’annotation basé sur des règles métiers liées à l'anatomie et à la géométrie osseuse. Ils seront désormais déterminés par le modèle IA développé et respecteront les contraintes de précision inhérentes à ces problématiques médicales complexes.

Bien que la tâche soit similaire, on ne parle plus de 3 mais de 34 points à positionner pour l’opération de pose de prothèse de genou et de 47 points pour la hanche. Au vu de la complexité croissante du problème à résoudre, Neovision a dû développer une méthodologie ambitieuse capable de gérer l’importante variabilité des cas patients, et généralisable aux différentes problématiques de poses de prothèses.

Créer un jeu de données qualitatif

Pour résoudre des problématiques à forte complexité telles que la reconstruction et la fonctionnalisation, Neovision utilise des algorithmes de deep learning gourmands en données. La constitution de jeux de données d’entraînement est donc un prérequis essentiel à ces travaux. Dans un contexte médical, la base de données doit à la fois respecter l’exigence réglementaire d’anonymisation des données patients, être représentative de toutes les situations pathologiques rencontrées chez les patients, et avoir un niveau de qualité acceptable d’un point de vue clinique.

Pour chaque cas patient, Neovision a traité les données issues de ses examens radiologiques. Ces données présentent une importante variabilité due à la diversité des modèles d’imageurs, des pratiques des radiologues ou des façons de stocker les images scannées. Dans les faits, un dossier patient ne présente pas les données d’imagerie de façon adaptée pour les travaux de deep learning envisagés. Le dossier est constitué de plusieurs acquisitions, présente des redondances, des données inexploitables ou inutiles, et couvre différentes zones articulatoires. Neovision a donc dû mettre en place un algorithme qui soit capable de gérer n’importe quelle forme de dossier patient en préparant et nettoyant les données de façon à ce qu’elles soient exploitables pour les modèles de reconstruction et de fonctionnalisation.

Pour chaque patient, il est nécessaire de trouver dans ces données cliniques au moins une série DICOM haute résolution correspondant à l'acquisition de l'articulation à reconstruire, ainsi que des séries DICOM basse résolution pour l'acquisition d'autres articulations nécessaires à la fonctionnalisation de l'articulation d'intérêt.

Afin d’entraîner des modèles de deep learning, OneOrtho Medical a aussi fourni des annotations, c’est-à-dire des exemples de résultats attendus tant pour la reconstruction que pour la fonctionnalisation. Il s'agit d'une étape primordiale du développement d’un modèle de deep learning : la qualité de cette annotation impacte directement la qualité des performances, et si l’annotation est imprécise, le modèle sera entraîné à reproduire cette imprécision. Neovision a donc utilisé des outils de statistiques et de visualisation afin de maîtriser la qualité de cette annotation. L'objectif était de faire remonter à OneOrtho Medical des annotations erronées, manquantes ou imprécises, pour les corriger.

Ce travail préparatoire a permis à Neovision de construire un jeu de données d’entraînement qualitatif. Il comprend, pour chaque patient, une image 3D de CT-scan normalisée, un masque de segmentation 3D de chaque os de l’articulation et la position en 3D de chaque point à détecter.

Reconstruire les parties osseuses

Positionnement des points anatomiques par l’IA pour la pose de prothèse de hanche (crédit photo : Neovision)

Une fois ces données préparées, une solution de reconstruction des os en 3D a été développée en partant de l’architecture deep learning "Attention- Unet". Le problème de reconstruction sur des données d’images médicales est équivalent, d’un point de vue IA, au problème de segmentation multi-labels 2D. Il s’agit de développer un modèle de deep learning qui analyse chaque voxel d’un CT-scan et détermine à quel os il correspond. À partir d’un CT-scan, le modèle de deep learning génère ainsi une représentation 3D des os du patient.

Finalement, un modèle distinct a été entraîné pour segmenter chacune des 3 articulations. Pour la cheville, le modèle a permis de segmenter le naviculaire, le calcanéus, le tibia, le péroné et le talus. Concernant la hanche, la reconstruction consistait à segmenter le bassin, le fémur vide et la diaphyse du côté opéré. Quant à la reconstruction du genou, Neovision s'est attelé à la segmentation du fémur vierge, de la rotule et du tibia vierge.

Les résultats de l'étude pour le problème de segmentation multi-labels sont concluants, avec un coefficient Dice dépassant les 90 % et une erreur moyenne point à point d'environ 0,65 mm. Ce qui illustre la grande précision obtenue dans la reconstruction tridimensionnelle des structures anatomiques.

Plusieurs défis ont été identifiés qui feront l’objet de travaux futurs. Cela concerne notamment certaines zones articulatoires pour lesquelles la frontière entre deux os peut être floue, et qui sont reconstruites avec une erreur dépassant 1 mm par endroit. Certains cas patients représentent également un challenge pour les modèles de reconstruction en raison d’importantes déformations osseuses, de calcifications ou d'ostéophytes. Des travaux d’optimisation et de ré-entraînement sont envisagés pour répondre à ces défis.

Détecter les points anatomiques

Neovision a conçu un algorithme de landmarking 3D qui se concentre sur l'identification précise de points anatomiques stratégiques pour chaque os. Cette approche repose sur les connaissances des chirurgiens orthopédiques, permettant la création d'une base de données de points anatomiques essentiels au bon déroulement des interventions chirurgicales.

Afin de résoudre cette problématique complexe, l’équipe de Neovision a développé une approche unifiée qui consiste à entraîner un modèle de deep learning optimisé pour la détection d’un point anatomique, quel qu'il soit. Une fois ce modèle entraîné, il suffit de lui demander de détecter tous les points d’une problématique opératoire. De cette façon, l’approche développée est générique et peut répondre de façon équivalente aux trois problématiques de pose de prothèse.

En travaillant à formaliser la problématique de détection de points anatomiques en collaboration avec les experts de OneOrtho Medical, Neovision a soulevé des incohérences entre les protocoles d’annotation constitués de règles géométriques formelles et la réalité de l’anatomie des patients. Pour ceux présentant des pathologies importantes, la position des points anatomiques est en effet fortement distordue et les protocoles d’annotation sont mis en défaut. L’expert suit alors plus son intuition et sa propre compréhension des règles anatomiques. Pour Neovision, le challenge a donc été de développer un modèle IA suffisamment robuste pour correctement prédire la position des points pour des patients fortement pathologiques.

Les résultats obtenus démontrent que l'IA est capable d'annoter de manière précise les points anatomiques avec une précision moyenne inférieure à 3 mm.

Etant donné l’importance de l’expertise et de l’intuition de l’annotateur, OneOrtho Medical a essayé de mieux quantifier la variabilité de l’annotation proposée par plusieurs experts.

Lors d’un congrès médical spécialisé sur la chirurgie orthopédique du genou, l'entreprise a présenté une analyse comparative des annotations menées par ses propres experts, des chirurgiens orthopédistes et l’algorithme d’IA développé par Neovision. Il est notamment apparu que, dans certains cas, plusieurs chirurgiens positionnent un même point à plusieurs millimètres de distance. Ce désaccord entre experts montre la complexité de la fonctionnalisation et combien il est difficile pour l'algorithme de détection, dans ces cas-là, de dépasser le niveau de performance des experts eux-mêmes.

Conclusion

À l’issue de ces travaux, Neovision a développé un service IA de reconstruction et de fonctionnalisation qui est aujourd’hui utilisé en production dans la plateforme de planification de OneOrtho Medical. Ce service permet de faire une proposition de planification à un chirurgien en 15 minutes au lieu de plusieurs jours, et cela en maintenant un niveau de performance comparable à celui des experts. Il s’agit donc d’une considérable amélioration de l'expérience utilisateur du chirurgien, et également d’un gain de productivité pour les experts OneOrtho Medical qui peuvent consacrer leur temps à des tâches à plus forte valeur ajoutée.

L'automatisation de la planification chirurgicale grâce à des modèles de deep learning montre les capacités hors normes des technologies d’IA. Des perspectives sont envisagées et des progrès peuvent être faits, notamment en adaptant et optimisant les solutions actuelles pour d’autres problématiques impliquant le traitement de différentes modalités d’imagerie médicale comme l’aide au diagnostic ou la navigation per-opératoire.


neovision.fr

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