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CorWave utilise le logiciel de simulation de Comsol pour sa nouvelle pompe cardiaque
Décrite il y a deux ans sur notre site, la technologie de membrane ondulante Wavera est mise en œuvre par la start-up CorWave dans une pompe cardiaque révolutionnaire. Pour optimiser la conception de cette pompe, l’entreprise a fait appel au logiciel de simulation multiphysique de Comsol. Nous avons interrogé son responsable simulation, François Cornat, pour en savoir plus.
Pouvez-vous nous rappeler le principe de la pompe cardiaque de CorWave ?
Les dispositifs d’assistance cardiaque (ou LVAD, pour left ventricular assist devices) sont des pompes destinées à traiter les patients souffrant d’insuffisance cardiaque sévère. Le cœur défaillant du patient n’ayant plus la capacité de fournir le débit nécessaire au reste du corps, la pompe est connectée en parallèle du cœur afin de permettre de restaurer un débit sanguin suffisant. Les LVAD actuellement sur le marché sont tous des pompes rotatives, qui fournissent un débit quasi continu. Bien qu’ils assurent d’excellents taux de survie, leur fonctionnement non physiologique cause des complications sévères et fréquentes (hémorragies gastrointestinales, AVC…) : 80% des patients porteurs d’un LVAD doivent être réhospitalisés dans les deux ans suivant l’implantation à cause d’une complication.
Le LVAD de CorWave est unique par sa technologie de propulsion, basée sur la mécanique de déplacement des animaux marins : une oscillation d’une membrane élastique en polymère est imposée par un actionneur électromagnétique et génère une onde progressive, comme une nageoire ondulante. La spécificité de la technologie repose sur le confinement de cette onde : encadrée par deux parois rigides, l’onde va créer des poches de fluide qui seront poussées vers la sortie de la pompe.
Wavera : une technologie de pompe révolutionnaire, inspirée des poissons
L’avantage majeur de cette technologie réside dans sa très faible inertie (une membrane de seulement quelques grammes) que l’on peut contrôler très efficacement. Ce contrôle permet, comparativement aux dispositifs concurrents qui ne fournissent qu’un débit continu, de générer très rapidement des changements d’écoulement permettant ainsi de rétablir une fonction cardiaque pulsatile, élément clé pour éviter les complications chez les patients.
A quel stade du développement vous situez-vous ?
Nous venons d’atteindre des points clés du développement du produit avec des essais animaux validés à long terme (60 jours) et des essais en fatigue à très long terme (6 mois) sur des prototypes très avancés. Nous entamons actuellement la phase de développement de la version finale de la pompe.
Dans quel but avez-vous fait appel à un logiciel de simulation multiphysique ?
La pompe est un système médical implanté répondant à un besoin vital du patient, sa fiabilité doit donc être exemplaire. Par ailleurs, propulser du sang, considéré comme un des fluides les plus complexes du monde, exige une connaissance des différentes physiques impliquées dans la technologie qui ne laisse rien au hasard.
Le cœur de la technologie CorWave - la déformation de la membrane engendrant une propulsion du fluide -, relève de l’interaction Fluide-Structure, couplant mécanique des fluides et mécanique des solides. Développer un tel système de manière exhaustive sans simulation numérique multiphysique est impossible. Il est donc impératif d'utiliser de tels outils pour explorer l’impact de chaque paramètre géométrique ou mécanique sur les performances globales mais aussi locales. Certaines de ces performances, telles que la résistance aux contraintes de déformation auxquelles sont soumis les matériaux, sont extrêmement complexes à évaluer expérimentalement. La simulation est un atout majeur ici puisqu'elle permet de les évaluer quasiment directement. Elle offre ainsi la possibilité d'explorer en amont des configurations qui semblent prometteuses avant de lancer la fabrication de coûteux prototypes.
Autre motif justifiant le recours à un logiciel de simulation multiphysique : l’exigence de la part des agences règlementaires, européennes et américaines notamment, de fournir un certain nombre de simulations numériques du système dans le dossier de demande de mise sur le marché. Afin de répondre au mieux à leurs attentes, il nous paraît indispensable d’utiliser des outils permettant de fournir une évaluation complète du système, ce qui n'est possible qu’à l’aide de logiciels multiphysiques.
Pourquoi avoir choisi celui de Comsol ?
Au moment où nous avons lancé nos activités de simulation, notre pompe se situait à un stade de développement encore précoce et investir dans un nouveau logiciel présentait un risque non négligeable. L’objectif était donc de fournir rapidement et efficacement une preuve de concept. En dehors du fait que nous avions déjà une expérience avec ce logiciel, il convient de souligner que sa prise en main est très rapide et que la configuration des serveurs multiphysiques est relativement intuitive. Cela nous a permis de fournir des premiers modèles quantitatifs en moins de trois semaines. De plus, nous savions que le logiciel de Comsol possédait les fonctionnalités dont nous aurions besoin pour perfectionner nos modèles, à mesure que notre programme de simulation s’étendrait pour accompagner le développement du produit.
Quelles fonctionnalités du logiciel avez-vous exploitées ?
Nous utilisons actuellement trois fonctionnalités du logiciel. La première est centrée sur l’interaction fluide-structure nous permettant d’évaluer les performances hydrauliques générées par différentes configurations de pompe. Nous simulons donc la déformation mécanique de la membrane en polymère soumise à une oscillation forcée dans un environnement de fluide confiné. Cela nous permet in fine d’évaluer les contraintes dans le matériau de la membrane pour estimer sa durée de vie ainsi que le débit généré à la sortie de la pompe pour maximiser les performances et la fiabilité de la tête de pompe.
La deuxième fonctionnalité majeure de Comsol utilisée dans nos locaux vise à coupler des phénomènes hydrauliques avec des réactions chimiques afin d’évaluer plus justement les risques de dommages du système sur le sang. Pour cela nous couplons des équations de convection-diffusion d’entités chimiques associées à certaines molécules composant les globules rouges (hémoglobine notamment) avec l’écoulement évalué plus tôt. En observant leur répartition et génération dans le système pendant son fonctionnement pour différentes conditions aux limites de débit ou de pression, nous sommes capables d’estimer quelles zones ou configurations génèrent un risque potentiel et comment nous pouvons réduire ce dernier.
La dernière fonctionnalité est centrée sur l’analyse mécanique de pièces métalliques en déformation faisant partie de l’actionneur électromagnétique. Le but de cette analyse est d’étudier la répartition des contraintes et leur localisation pour estimer la durée de vie des pièces et ainsi améliorer les performances en fiabilité du LVAD de CorWave.
Quels résultats avez-vous obtenus et quel bilan tirez-vous de cette expérience ?
Chacune des fonctionnalités citées précédemment est systématiquement comparée à un équivalent expérimental afin de valider les modèles numériques. Une fois cette étape réalisée, nous utilisons les simulations pour explorer des configurations améliorant les performances de la pompe ; ces résultats sont ensuite communiqués aux équipes en charge du design pour qu’ils soient appliqués dans les futurs designs. Cette stratégie au cœur du développement nous a permis d’améliorer significativement nos résultats et a été couronnée de succès avec l’atteinte des jalons cités précédemment (60 jours en fonctionnement nominal dans des animaux, 6 mois sur banc de test). Nous en sommes très fiers, puisqu’ils sont une étape majeure du parcours vers le produit clinique, qui sera implanté pour améliorer de façon majeure les conditions de vie de milliers de patients souffrant d’insuffisance cardiaque sévère.