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Des fibres optiques assez souples pour guider la lumière dans le corps humain
La rigidité des fibres optiques classiques limite considérablement leur usage dans bon nombre d'applications médicales. Face à ce constat, les chercheurs de la Haute École Arc Ingénierie ont imaginé et développé de nouvelles fibres en TPU transparent, un matériau beaucoup plus souple que la silice.
Par Miguel Llera, chercheur à la HE-Arc dans le domaine ingénierie
Utilisée pour la fabrication de fibres optiques, la silice possède des caractéristiques optiques idéales pour guider la lumière sur de très grandes distances. Cependant, elle pose problème lorsque les applications nécessitent un matériau souple et incassable. C’est le cas dans le domaine du dispositif médical où toute cassure de fibres optiques peut avoir des conséquences très dangereuses.
De ce fait, la communauté scientifique recherche, depuis des années, des matériaux alternatifs pour réaliser des fibres optiques souples présentant une dangerosité réduite pour le corps humain. Parmi les matériaux les plus concernés par ces recherches figurent les hydrogels, les silicones, voire la soie biodégradable. Bien qu’intéressants d’un point de vue médical, puisque souples et biocompatibles, ces matériaux présentent tous un nombre important de limitations en ce qui concerne la capacité de fabrication de fibres optiques et les caractéristiques optiques de ces dernières lorsque leur fabrication est effectivement possible.
Un défi technologique
Le polyuréthane thermoplastique (TPU) offre plusieurs avantages indéniables par rapport à d’autres matériaux potentiels pour réaliser des fibres souples et biocompatibles. C'est un élastomère thermoplastique que l’on peut obtenir sous forme transparente avec divers indices de réfraction. Il est déjà largement utilisé en médecine pour réaliser des isolations d’électrodes sur les pacemakers par exemple.
C’est donc à l’aide de TPU transparents que les chercheurs de la Haute École Arc ingénierie (HE-Arc) ont imaginé le développement de fibres optiques souples dotées de particularités mécaniques très intéressantes pour le domaine médical.
L’idée est très simple mais n’avait jamais été explorée auparavant : la fabrication de préformes de fibres optiques en TPU qui pourraient, par la suite, être étirées à de faibles diamètres. Le concept est basé sur la technologie de fabrication de fibres optiques conventionnelles.
La difficulté ici est d'être capable de produire, par injection plastique, des préformes multi-matériau (cœur et gaine) pouvant donner lieu à des fibres optiques dotées de diamètres de cœur variables (de quelques microns à quelques centaines de microns). Un défi technologique que la HE-Arc a relevé avec succès.
Différentes fibres optiques ont ainsi été réalisées avec des diamètres de cœur et de gaines variant respectivement de 5,4 à 44 µm et de 85 à 200 µm. La fabrication de fibres à très gros diamètres de cœur (plus de 100 µm) est nettement plus facile que celle de faibles diamètres (moins de 20 µm).
Les fibres optiques à diamètres de cœur moyen à gros sont plutôt intéressantes pour amener de l’illumination à un endroit spécifique (endoscopie, optogénétique) alors que celles à faibles diamètres sont adaptées à l'utilisation de capteurs optiques (Fabry-Pérot) à leur extrémité. Les atténuations mesurées des fibres sont de l’ordre de 0,2 dB/cm pour des longueurs d’onde de 633 nm.
Des résultats très encourageants
Quelques évaluations des fibres optiques ont été réalisées afin de déterminer les applications potentielles. Une des caractéristiques importantes des fibres est leur très grande élasticité (les TPU utilisés sont donnés avec une élongation à la rupture supérieure à 600 %). C'est pourquoi un premier test de détection d’activité respiratoire a été réalisé. Il s’est déroulé en fixant une fibre sur un simple ballon gonflable à l'intérieur duquel les chercheurs ont fait varier la pression de façon alternative. Il a ainsi facilement pu être observé que le niveau optique en sortie de fibre suivait parfaitement les déformations du ballon.
Le potentiel d’utilisation des fibres optiques développées à la HE-Arc étant assez vaste dans le domaine médical, les chercheurs visent actuellement à évaluer l'étendue de ces applications. De l’apport de lumière à des endroits sensibles à la mesure de paramètres physiologiques sur les implants (cochléaires, céphalorachidien), ce type de fibre pourrait ouvrir des perspectives de bien-être et de sécurité accrues pour les patients.