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Le dispositif médical en Suisse, un système économique en danger
La pression croissante, au niveau international, des coûts, des prix et de la concurrence, la recrudescence des contraintes réglementaires, le manque d’experts et la vigueur du franc placent le secteur suisse des technologies médicales face à des défis énormes. Des parts importantes de la chaîne de création de valeur menacent de quitter le pays. A quoi ressemblera l’avenir ?
C’est ce que met en évidence le rapport «Swiss Medical Technology Industry 2012» (SMTI), paru en langue anglaise en septembre 2012. Medical Cluster, Medtech Switzerland et IMS Consulting Group présentent les résultats de l’enquête menée auprès de plus de 320 sociétés et proposent des approches de solutions.
Par rapport à une première analyse de 2006, le contexte a beaucoup changé pour le medtech helvétique. Comme le montrent les enquêtes actuelles et les chiffres de l’économie, cette industrie va toujours bien (voir l’encadré «Faits et chiffres»), cependant les défis se sont accrus. A l’échelon international, le pôle Suisse demeure un «hot spot» mondial des technologies médicales. On apprécie la stabilité politique et économique, les conditions fiscales attractives, l’accès à une main d’œuvre hautement qualifiée et le marché du travail flexible. La Suisse possède en outre un grand nombre d’entreprises familiales et de PME axées sur le long terme recourant à un réseau solide de partenaires proches dans l’espace. Tous ces avantages ont jusqu’à présent conduit à ce que l’ensemble de la chaîne de création de valeur des technologies médicales puisse être couverte à l’intérieur de la Suisse.
Croissance à un chiffre, érosion des marges
Cependant le contexte change. Le rapport met en évidence, par comparaison aux deux précédentes études, un renversement de tendance. Si la prévision de croissance moyenne pour 2012 s’élève à 5,9% et pour 2013 à 6,6%, la croissance a quasiment été divisée par deux ces dernières années et demeurera à un chiffre à l’avenir, selon les auteurs de l’étude. La croissance moyenne du nombre d’employés au cours des deux dernières années a, avec trois pour cent, également diminué au cours de cette période. La plupart des fabricants tablent sur des chiffres d’affaires plus élevés associés à une baisse de la rentabilité.
«L’âge d’or est terminé. Alors que les marges moyennes, il y a cinq à dix ans, dépassaient les dix pour cent, elles ne sont plus aujourd’hui qu’à un chiffre», soulignent les auteurs de l’étude, Patrick Dümmler, Medtech Switzerland, et Beatus Hofrichter, IMS Consulting Group.
L'importance du taux de change
Les petites sociétés, en particulier celles de l’industrie de la sous-traitance, pâtissent de la pression croissante des prix et de la concurrence au niveau international. La vigueur du franc suisse est désignée comme un défi important. Ainsi, l’industrie exportatrice, en dépit du cours plancher, a subi, depuis le début 2010, une appréciation de 23% par rapport à l’euro. Selon un sondage, 81% de toutes les sociétés SMTI sont concernées par ce problème. 98% des sous-traitants indiquent que les taux de change actuels ont un effet négatif sur leur résultat commercial. Ce désavantage compétitif n’a pas pu, dans des délais aussi courts, être entièrement compensé par des gains de productivité, et si le chiffre d’affaires s’est maintenu, c’est au détriment des marges.
Afin de mieux se couvrir contre les fluctuations des taux de change, 15% de toutes les entreprises prévoient, dans les trois prochaines années, des investissements sur des sites de production dans des pays étrangers moins chers. Cela représente une part élevée, compte-tenu de la structure de l’industrie des technologies médicales suisses, composée essentiellement de PME. De même, de plus en plus de sous-traitants et fabricants s’approvisionneront en consommables et en équipement en dehors de la Suisse. Ceci s’accompagne d’une baisse de fidélité aux partenariats traditionnels établis entre les fabricants et les sous-traitants - jusqu’à présent l’une des forces de l’écosystème des technologies médicales suisses. Un nombre croissant de sociétés du secteur du dispositif médical suisse passe aux mains de capitaux étrangers: ainsi, déjà 50% des dix plus grandes entreprises du secteur dépendent de décisions prises par des sièges sociaux géographiquement très éloignés. Les démarches administratives helvétiques, liées à la recrudescence des contraintes réglementaires, pèsent de plus en plus sur les entreprises. Tout ceci a pour effet que de précieuses parts de la chaîne de création de valeur menacent de quitter le pays. «Il est urgent d’agir afin que l’écosystème des technologies médicales suisses ne s’effondre pas», mettent en garde les auteurs.
Développer de nouveaux modèles commerciaux
En dehors des facteurs externes, des faiblesses structurelles internes accélèrent également la tendance à la consolidation. Ainsi, les entreprises manquent de qualifications de management et de connaissances d’experts. Ce sont avant tout les spécialistes du marketing, de la conformité, des affaires réglementaires et de la maîtrise de la qualité qui sont recherchés afin de pouvoir répondre aux défis actuels du marché. Le savoir-faire traditionnel des ingénieurs ne suffit plus pour s’imposer face à une concurrence internationale de plus en plus âpre.
Selon plus de 86% des réponses, l’extension du marketing et des connaissances du marché se situe tout en haut de l’ordre du jour des mesures prises, suivie par l’augmentation de la rentabilité. De cette manière, le secteur met l’accent sur l’excellence commerciale et opérationnelle. En dépit d’une concurrence croissante, les entreprises se concentrent cependant trop peu sur le développement stratégique de nouveaux modèles commerciaux et canaux de distribution. «Les CEO, notamment dans les petites sociétés, sont principalement occupés par les affaires courantes et n’ont souvent ni le temps, ni le capital nécessaire pour mettre au point de nouvelles stratégies. Ils devraient déjà savoir quels produits ou services fournir à quels marchés dans cinq ans», soulignent les auteurs.
Clusters nationaux et pools de services
Compte tenu des évolutions indiquées, il devient urgent d’agir pour ce pôle d’activité : l’industrie du DM doit avant tout adopter un rôle actif dans la consolidation du marché. Le ficelage de paquets de services ne saurait être réservé aux grands. Les PME qui n’ont pas les dimensions suffisantes peuvent collaborer avec des fournisseurs de services/produits complémentaires en Suisse ou en reprenant des sociétés étrangères. Des approches de solutions semblent possibles dans la formation de clusters nationaux et de pools de produits ou de services au sein desquels les prestataires de services et de produits de santé mettent au point des solutions innovantes.
Promouvoir le réseautage international
Les auteurs recommandent aux responsables politiques suisses de concentrer la promotion des exportations sur un petit nombre d’industries clés afin de lutter d’égal à égal avec les principaux concurrents que sont l’Allemagne, les Etats-Unis et la France. Afin que les entreprises du DM bénéficient d'un accès optimal aux principaux marchés de la santé, des représentants de l’industrie pourraient être impliqués dans les négociations d’accords de libre-échange. De plus, des contacts de haut niveau doivent être établis avec les sièges sociaux des sociétés actives dans le DM investissant en Suisse afin de mieux positionner le pôle, y compris à l’étranger.
L'intégralité du rapport SMTI 2012 (en anglais) peut être téléchargé à l’adresse: http://www.medical-cluster.ch/smti
Contact : Medtech Switzerland, CH-3000 Berne 22, www.medtech-switzerland.com