La bio-ingénierie, indispensable aux spécialistes des pathologies du visage réunis actuellement à Besançon
C’est à Besançon que se réunissent du 29 septembre au 2 octobre plus de 600 spécialistes de stomatologie, de chirurgie maxillo-faciale et de chirurgie orale dans le cadre du 56ème congrès de la Société française qui les rassemble. L’occasion de rendre visible cette spécialité médicale méconnue qui s’appuie sur les entreprises du dispositif médical pour reconstruire un visage. Les majors du DM mais également des entreprises régionales y sont présentes.
« Cette spécialité est née au lendemain de la 1ère guerre mondiale quand, pour la première fois, on a vu affluer des milliers de mutilés de la face » explique le Professeur Christophe Meyer, chef de service de stomatologie, chirurgie maxillo-faciale et odontologie hospitalière au CHRU de Besançon et président de la Société française des spécialistes des pathologies du visage.
« Quand, pour diverses raisons qui vont de malformations ou d’anomalies osseuses au cancer des os en passant par la traumatologie, une personne perd son visage, nous sommes là pour tenter de le reconstruire. Cette reconstruction intègre à la fois une dimension esthétique et une dimension fonctionnelle parce qu’il faut intégrer la réhabilitation de la fonction alimentaire par exemple. » À la frontière avec la chirurgie plastique esthétique et reconstructrice, avec la chirurgie ORL et la chirurgie dentaire, cette spécialité permet de redonner son visage à un patient qui l'a perdu.
Besançon : la 1ère plateforme nationale structurée en France
Aujourd’hui, les interventions sont longues et nombreuses pour aboutir à un résultat qui n’est pas toujours à la hauteur des espérances des patients et des chirurgiens. L’impression 3D a révolutionné les pratiques : « Nous nous sommes spécialisés dans l’analyse et la planification tridimensionnelle. Un visage est toujours en 3D. Le volume compte beaucoup. L’impression 3D nous est utile comme outil de diagnostic. Elle permet d’expliquer au patient notre projet thérapeutique. Mais cela va bien au-delà. La plateforme que nous avons mise en place est capable de concevoir des modules de remplacement. Nous créons le fichier et l’exportons vers un industriel qui va fabriquer en céramique ou en plastique, imprimée en 3D sur-mesure, la partie qui manque et que nous mettrons en place sur le patient. » Plus précise, plus rapide et entraînant moins de complications post-opératoires, cette pratique permet également des résultats plus proches de l’idéal.
Au sein du CHRU, le professeur Meyer œuvre pour la structuration de cette plateforme performante composée d’un ingénieur clinique, d’un responsable médical, et accueillant des stagiaires ISIFC qui viennent en soutien de la petite équipe. « Ce qui est nouveau, c’est d’avoir institutionnalisé cette plateforme et aussi d’avoir internalisé la fabrication d’un dispositif médical au sein d’un établissement de santé. » La directive européenne du 26 mai 2021, qui borde les conditions dans lesquelles un dispositif médical peut être produit, commercialisé, et posé chez un patient, concerne les industriels mais aussi les établissements de santé qui peuvent devenir fabricants - au titre règlementaire - de leurs propres dispositifs médicaux. « C’est là que nous sommes en train nous engager au CHRU de Besançon. C’est là que nous sommes innovants. Nous sommes probablement les seuls en France capables de produire des dispositifs médicaux en accord avec cette règlementation européenne. C’est plus ambitieux que d’imprimer simplement des modèles anatomiques.»
Des besoins exprimés pour faire progresser la spécialité
« Dans ma spécialité, se développer à Besançon est un atout. » Le professeur participe chaque année aux journées de l’innovation, des rencontres organisées par le CHRU qui invite les industriels du milieu biomédical à rencontrer les équipes du centre hospitalier. De nombreuses collaborations ont été expérimentées avec les industriels et les écoles d’ingénieurs, quelques-unes sont en cours. A ce jour, plusieurs projets ont abouti à des produits commercialement viables dont la création, dans les années 2000, d’une plaque d’ostéosynthèse innovante pour la réparation des fractures de la région articulaire de la mandibule. Ces plaques sont actuellement vendues dans le monde entier.
Le professeur Meyer connaît bien le tissu industriel et poursuit ses réflexions avec des dirigeants de TPE ou de PME disposant des savoir-faire requis.
« Nous avons des besoins en métallurgie des poudres, en décolletage pour la fabrication de plaques et vis d’ostéosynthèse. Nous avons besoin de compétences en céramique et sommes à la recherche d’industriels spécialisés dans l’impression 3D pour créer une relation partenariale avec le CHRU ».
Les savoir-faire indispensables pour faire progresser la reconstruction de visages sont tous présents et les technologies du 21ème siècle permettent de répondre aux besoins de sur-mesure de la spécialité.
De la micromécanique aux biotechnologies
« L’homme a perdu ses capacités de régénération spontanée, nous essayons de retrouver ce qui verrouille cette reconstruction tissulaire. C’est un des enjeux de la prochaine décennie. Si l’on pouvait développer, dans les années qui viennent, des technologies situées plutôt dans le domaine de bio-reconstruction, des biotechnologies... » envisage le professeur Meyer.
Comment passer d’un contexte micromécanique et franchir le cap de la régénération tissulaire ?
L’équipe bisontine travaille avec un spécialiste belge de l’impression 3D de céramique. Ce matériau offre la faculté de pouvoir être colonisé par l’os. « Votre organisme est capable de digérer cette céramique et de la remplacer, volume par volume par de l’os. »
L’équipe a les idées et les patients, elle a besoin de partenaires industriels pour les développer.
Une ingénierie de projets
En Bourgogne-Franche-Comté, l’Agence Economique Régionale qui organise la présence des entreprises régionales lors du Congrès, accompagne les projets afin de permettre leur réalisation. Du projet à l’implantation, l’Agence met en œuvre son réseau pour favoriser le développement d’un écosystème de santé tourné vers l’avenir.
Le congrès, une passerelle avec les industriels
Le congrès accueille plus de 600 spécialistes français de stomatologie et chirurgie maxillo-faciale mais également près de 50 industriels parmi lesquels des majors du dispositif médical ainsi que six entreprises régionales : Ennoia, Beaune Laboratoires, Shine médical, Cistéo Médical, Stemcis et Micro-Méga. Avec ce dernier, des projets sont en cours de développement pour ce qui concerne le dentaire.
Les entreprises présentes :
Ennoia est une société d’origine lyonnaise, spécialisée en Ingénierie Biomédicale dédiée à la chirurgie, qui s’est installée sur Temis Innovation à Besançon en 2020. Experte de la simulation chirurgicale et la fabrication de dispositifs médicaux standards ou spécifiques à usage unique, elle développe des solutions innovantes avec les professionnels de la santé notamment dans le domaine de la chirurgie.
Fondé en 1986, Beaune laboratoire est présent sur 3 sites en région. Modélisation 3D, fabrication numérique, c’est grâce à une stratégie résolument tournée vers les nouvelles technologies digitales ou liées à l’usinage de nouveaux matériaux que le laboratoire est devenu leader en Bourgogne-Franche-Comté dans le domaine de la prothèse dentaire.
Shine Medical, créée suite au Hacking Health de 2017, a recours à la modélisation en 2D, en 3D, à la réalité virtuelle et à la réalité augmentée dans le développement de logiciels médicaux. Des développements ont été réalisés pour faciliter la prise en charge de l’enfant en détresse vitale ou pour simplifier le repositionnement de patientes lors de radiothérapie.
Depuis plus d’un siècle, la société Micro-Mega conçoit, fabrique et commercialise des instruments de chirurgie dentaire au cœur de Besançon, capitale française de l’horlogerie et de la microtechnique. C’est ici que cette entreprise de renommée mondiale et spécialiste de l’endodontie produit des instruments dentaires pour les praticiens du monde entier.
Spécialisée dans le développement et la fabrication de dispositifs médicaux sous contrat, Cisteo Medical gère les projets dès les premières réflexions jusqu’à la production sous atmosphère contrôlée, en passant par la vérification de conception et les démarches réglementaires, dans des domaines tels que la chirurgie mini-invasive.
Stemcis, fondée en 2008 à Besançon, est spécialisée dans la fabrication de kits chirurgicaux pour le prélèvement, le traitement et la réinjection de préparations de cellules adipeuses. L’entreprise s’intéresse à l’utilisation du tissu adipeux, des cellules souches mésenchymateuses pour des applications en médecine régénératrice.
Biotika est l’entreprise à but non lucratif de l’école d’ingénieurs publique en biomédical ISIFC. Le rôle de Biotika est de catalyser la collaboration industrielle et hospitalière afin d’accélérer la mise sur le marché des produits de santé les mieux adaptés aux besoins des cliniciens et des patients. Biotika est au service du développement de la médecine technologique pour la recherche, l’innovation et/ou pour des start-up et des PME.