Actualités de la profession > Evénements
Evaluation clinique : retour sur la journée AFCROs & DM 2024
Organisée le 7 novembre dernier à Paris, la Rencontre AFCROs & DM s'est révélée, comme chaque année, riche en informations utiles sur l'évaluation clinique des dispositifs médicaux (DM) et des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (DMDIV). Pour preuve, cette synthèse rédigée à l'attention des lecteurs de DeviceMed.
Par Christophe Clément et Maurice Bagot d’Arc, du groupe AFCROs-DM
Rendez-vous annuel de l'évaluation clinique du dispositif médical, la Rencontre AFCROs & DM constitue l'occasion pour les fabricants, les institutionnels et les CROs de se rencontrer, en bénéficiant de conférences le matin et de tables rondes l'après-midi, dédiées aux actualités de l’évaluation clinique du DM et du DMDIV.
Un point réglementaire par le Snitem
L'édition 2014 a débuté par une intervention de Julie Oheix, Responsable juridique Affaires réglementaires du Snitem, venue faire le point sur les actualités réglementaires. La conférence a abordé les sujets suivants :
- Les apports du règlement modificatif 2024/1860 des règlements européens 2017/745 (MDR) et 2017/746 (IVDR) allongeant la période de transition pour les DMDIV.
- Le déploiement par module d’EUDAMED, avec une utilisation obligatoire des premiers modules (Acteurs et Produits) à partir de janvier 2026, et la suspension du développement du module "Clinical Investigations / Performance Studies", qui reprendra lorsque les autres modules seront prêts.
- L’exigence pour les fabricants, dès janvier 2025, de notifier six mois à l’avance les interruptions ou cessations d’approvisionnement en cas de risque grave pour les patients.
- La parution de nouveaux "MDCG-Guidelines" : MDCG 2021-6 rev. 1, MDCG 2023-7, MDCG 2024-3, MDCG 2024-5 et MDCG 2024-10.
- La parution de la version 4 de la Convention unique : en vigueur depuis le 04 août 2024 et disponible sur le site du Ministère.
- Une phase pilote sur les Etudes Décentralisées portant sur les études en recherches cliniques, qui vient de se terminer et fera l’objet d’un rapport pour avis et/ou autorisation aux autorités.
- La concertation lancée par la CNIL pour faire évoluer ses référentiels santé dont les méthodologies de référence. L’analyse des résultats est en cours.
- La parution du rapport de la mission Marchand-Arvier sur la réutilisation des données de santé en vie réelle et du Rapport de l’ANSM 2023 avec une partie "accès des patients aux produits innovants".
« Dès janvier 2025, les fabricants vont devoir notifier six mois à l’avance les interruptions ou cessations d’approvisionnement en cas de risque grave pour les patients. »
Julie Oheix, Snitem
Julie Oheix a également annoncé le développement d’une fiche d’aide à la contractualisation entre industriels et CROs réalisée par le Snitem.
Evaluation clinique des DM numériques
La HAS a pris le relais avec Vanessa Hernando, Cheffe de projet scientifique Numérique en Santé, venue partager l'actualité de l'évaluation des DM numériques (DMN) :
- Ces dispositifs bénéficient d’un processus de remboursement spécifique impliquant deux organismes, l’ANS (l’Agence du Numérique en Santé) et la HAS, pour évaluer l’intérêt de la technologie.
- Il faut distinguer l’évaluation clinique des dispositifs à usage individuel à visée thérapeutique de celle des dispositifs de télésurveillance médicale (TSM). Les premiers peuvent bénéficier d’une prise en charge transitoire par le dispositif PECAN (Prise En Charge Anticipée des DM numériques). Les autres doivent obtenir une inscription sur la LATM (Liste des Activités de Télésurveillance Médicale) pour être remboursés.
- La CNEDiMTS (Commission Nationale d’Evaluation des Dispositifs Médicaux et des Technologies de Santé) délivre ensuite un avis consultatif.
- Pour les DMN de TSM, il existe des critères spécifiques d’évaluation et les études sont pratiquement terminées quand on dépose le dossier pour la LATM.
- Pour le PECAN, la candidature est à déposer à la fois sur la plateforme Convergence de l’ANS et sur la plateforme Sesame de la HAS. Ce dispositif ne s’adresse qu’aux DM marqués CE dans l’indication revendiquée, et présentant une présomption d’innovation en termes de bénéfice clinique ou d’impact organisationnel.
- Pour une demande d’inscription sur la LATM, le dossier est évalué par l’ANS puis transmis pour avis à la CNEDiMTS.
- Pour les deux dispositifs : sont pris en compte l’impact clinique, l’amélioration de la qualité de vie du patient, l’organisation des soins et les résultats de soins rapportés par le patient (PROMS) et sur la santé publique.
- Les industriels peuvent bénéficier d’une assistance à la constitution du dossier par les cabinets de conseil spécialisés dans l’accès au marché et de rencontres précoces avec la HAS.
Point de vue d’un Organisme Notifié (ON)
« Le Règlement 2024/1689 relatif à l’IA sera applicable aux DM à partir du 2 août 2027 et il appartiendra aux ON de vérifier ces aspects. »
Thomas Lommatsch, AFNOR
L’AFNOR a été désigné en tant qu’ON en avril 2024 pour un champ de d’activité partiel qui devrait s’étendre par la suite. Pour ses évaluations, l’association fait appel d’une part à des cliniciens internes formés à la réglementation du DM, et d’autre part à des cliniciens externes ayant une expérience clinique du DM évalué et de la pathologie concernée. Responsable du pôle Médical de l'AFNOR, Thomas Lommatzsch a précisé les points suivants :
- Une procédure de consultation dans le cadre de l'évaluation clinique pour certains DM de classe IIb et III est en cours sur l’opportunité d'émettre un avis scientifique sur le rapport clinique établi par l’ON (Art 54) et sur la possibilité d’une procédure de consultation dans le cadre de l'évaluation clinique (Art 61.2).
- Dans le cas des DM orphelins, les fabricants ou les ON peuvent interroger les groupes d’experts.
- Les DM qui embarquent de l’IA représentent un cas particulier car ils nécessitent un temps d’évaluation supplémentaire. Le Règlement 2024/1689 relatif à l’IA sera applicable aux DM à partir du 2 août 2027 et il appartiendra aux ON de vérifier ces aspects.
Point de vue des Comités de Protection des Personnes
La CNCP (Conférence Nationale des Comités de Protection des Personnes) est également intervenue par la voix de sa présidente Virginie Rage-Andrieu :
- La CNCP regroupe les 39 CPP de France qui travaillent au rythme d’une séance toutes les 2 ou 3 semaines en toute indépendance, à titre bénévole, sans lien d’intérêts et sont soumis au secret professionnel.
- Les indicateurs récents montrent que les CPP reçoivent en moyenne 4000 demandes par an et que la médiane du délai de réponse est de 17,34 jours. L’objectif est de faciliter la délivrance d’un avis favorable dès la première instruction, sans rounds de questions (ou au maximum après un seul tour, même si actuellement deux sont possibles). Les CPP sont très stricts sur les obligations d’information de la personne en cas de collection d’échantillons biologiques et des conseils ont été donnés à l’auditoire sur les formulations à prévoir autour de la réutilisation des données personnelles et/ou de l’information du médecin traitant.
- Une harmonisation est en cours entre les CPP.
Retour d’expérience sur l'accès au marché américain
Animée par Céline Fabre (Horiana) et Christophe Clément (ICTA), la première table ronde réunissait une société de conseil (Nexialist) et deux fabricants de DM (Deski et Symatese), venus débattre de leurs expériences avec la FDA.
Vincent Casteras de Nexialist a rappelé le parcours d’entrée des DM aux Etats-Unis, fait de deux procédures : le 510(k) basé sur la comparaison avec un prédicat déjà sur le marché et le PMA (Pre-Market Approval) réservé aux DM de classe III. En 2023, le nombre de produits approuvés était de 47 pour les 510(k) et de 37 pour les PMA. Vincent Casteras a souligné que l'approche FDA était avant tout pertinente si la cible géographique visée pour le produit était le marché américain. Il a ajouté que la problématique était également spécifique à chaque produit et qu'il était donc important de ne pas généraliser la démarche.
Deski (représenté par Bertrand Moal) propose HeartFocus, un logiciel breveté pour la réalisation d’échographie cardiaque par tous les professionnels de santé, classé IIa. L'entreprise a choisi la voie du 510(k) et la réalisation d’une étude clinique pilotée en interne, sans recours à un rendez-vous préalable ("pre-submission") auprès de la FDA. L’investigation clinique est en cours d’évaluation à la FDA mais la démarche aura été plus longue et couteuse que prévu (3 fois plus chère aux US qu’en Europe).
Symatese (représenté par Sébastien Guyon) visait l’introduction sur le marché américain d’un nouvel acide hyaluronique de comblement à destination esthétique. La voie de la PMA a été choisie avec la réalisation d’une étude clinique par une CRO américaine. La rédaction des rapports aux US s’est révélée moins exigeante qu’en France, et la possibilité de déposer le dossier par modules auprès de la FDA est utile pour marquer des points de rendez-vous. Mais le prix total de l’opération a été 5 fois supérieur à celui de l'accès au marché européen et le projet aura duré environ 5 ans entre son démarrage et l’obtention (espérée) de l’approbation.
Organisation du suivi clinique après commercialisation (SCAC/PMC)
La deuxième table ronde était animée par Christophe Soyez (Medi-Link) et Karim Nadra (Rumb). Elle rassemblait Daniela Fanica de l’AFNOR, venue apporter la vision d’un ON, et trois fabricants : Noraker (avec Charlène Fort) et SpineArt (avec Houria Belalit), deux sociétés spécialisées dans la reconstruction osseuse, ainsi que MicroPort (Magali Sasso), dont l'activité est dédiée à la stimulation cardiaque. Différentes approches de SCAC ont été présentées :
- Une étude en vie réelle (RWD) via le Système National des Données de Santé (SNDS) par la société MicroPort, notamment intéressante pour générer un coût moins important qu’une investigation avec collecte de données primaires.
- La mise en place d’études rétrospectives par domaine thérapeutique et par type de produit par la société Noraker, sachant qu’en reconstruction osseuse, les produits étant passés de la classe IIb à III, les données doivent être rapportées par site d’implantation.
Implémentation du règlement européen pour les DMDIV
Animée par Audrey Carlo (Euraxi) et Maurice Bagot d’Arc (BluePharm), la dernière table ronde regroupait un ON (GMed avec Catherine Holzmann) et deux fabricants (BioMérieux avec Dominique Fillère et Sebia avec Arnaud Collin).
L’arrivée du règlement (UE) 2017/746 (IVDR) a représenté pour le monde du DMDIV un véritable changement de paradigme. Depuis octobre 2024, les laboratoires de référence ont été mis en place pour les dispositifs de classe D. Le règlement a allongé les périodes transitoires d’implémentation. On estime que, respectivement, les classes A représentent 60 à 70 % du marché, les classes B 15 à 25 % et les classes C et D 5 à 10 %.
Il apparait que l’évaluation de la performance clinique est un vrai défi pour ce secteur, l’évaluation par la voie de la littérature étant rarement suffisante. Par ailleurs, la complexité et le coût de l’IVDR instituent une rationalisation des portefeuilles produits et une sélection des pays d’entrée, l’Europe n’apparaissant pas de ce fait comme un bon candidat pour faire accéder au marché les innovations.