L’analyse physico-chimique dans l’évaluation biologique des DM
L'obtention de données physico-chimiques sur les matériaux composant un DM constitue une étape clé de son évaluation biologique. Elle permet d'anticiper les risques et de justifier la conformité du produit. Filab rappelle les différents essais pouvant être menés dans le cadre des normes ISO 10993.
Par Elisa Dewally, Responsable Développement chez Filab
L’évaluation des risques encadrée par la norme ISO 10993-1 nécessite une solide connaissance des matériaux et matières premières utilisés dans la conception d’un dispositif médical (alliages métalliques, polymères, colles, silicones…). Leur toxicité, leur biocompatibilité mais aussi la compatibilité des matières entre elles sont les différents critères à étudier lors de cette évaluation. Cette dernière doit non seulement prendre en considération des données fiables et complètes sur la composition chimique initiale des matériaux, mais aussi leurs spécificités physiques (morphologie, surface), l’environnement de fabrication dans lequel ils évoluent (modification de l’état de surface, contaminations de process…) ainsi que les potentielles dégradations ou problèmes d’usures pouvant survenir au cours du temps.
Dans ce contexte, les progrès technologiques réalisés ces dernières années autour de l’analyse physico-chimique et de surface permettent aujourd’hui d’accéder à des informations riches et fiables pour supporter les évaluations biologiques.
Identifier les substances extractibles et relargables
Si les dangers biologiques sont partiellement maîtrisés grâce aux données fournisseurs et bibliographiques, la caractérisation chimique selon la norme ISO 10993-18 constitue néanmoins la première étape analytique nécessaire voire obligatoire pour certaines classes de DM. Ce document référentiel utilise une approche progressive pour la caractérisation d'un dispositif médical à travers :
- l’analyse de la composition chimique des matériaux utilisés (additifs, charges, colorants, substances à risque…) au sujet desquels les informations fournisseurs sont parfois limitées.
- l’identification et la quantification des potentielles substances extractibles et relargables provenant des procédés de fabrication et/ou contenues dans les matériaux, à l’aide d’extractions solide/liquide définies dans la norme ISO 10993-12.
Une norme spécifique à considérer pour les nanomatériaux
La norme ISO 10993-22 décrit les aspects à prendre en compte pour l'évaluation biologique de dispositifs médicaux qui contiennent ou sont composés de nanomatériaux.
Ces lignes directrices peuvent également être appliquées pour l'évaluation de nano-éléments générés comme produits de dégradation ou d'usure, ou sous l'effet d'un traitement mécanique pour des DM fabriqués sans nanomatériaux. Ici encore, l’application de techniques de caractérisation adaptées à l’étude de nanomatériaux (MEB-FEG, granulométrie laser, BET…) est une source d’informations pertinente pour anticiper les risques liés à cette thématique.
Dans ce second cas, l’analyse des extraits sera effectuée grâce à une combinaison de techniques analytiques de pointe, telles que la chromatographie (GCMS, LC-QTOF et CLI), la spectroscopie (ICP-AES et ICP-MS) pour les substances solubles, ou encore la spectroscopie IRTF pour les substances insolubles. Il est important que ces essais soient réalisés sur des DM finalisés, stérilisés et conditionnés.
Comprendre les propriétés physiques du DM
L’ISO 10993-19 fournit un ensemble de paramètres et de méthodes analytiques associés à la caractérisation physique, morphologique et topographique (PMT) des DM. En effet, ces paramètres PMT jouent un rôle important dans l’évaluation de la biocompatibilité mais également dans le criblage de nouveaux matériaux pour vérifier l'adéquation d'un dispositif à une application proposée.
Par exemple*, la morphologie et la structure des matériaux poreux favorisent la croissance des tissus à la surface des implants pour une meilleure intégration avec le tissu environnant. Les propriétés de surface d’un cathéter influencent de façon majeure l’adhérence des bactéries et des protéines sur les surfaces internes et externes. Ou encore, la topographie de surface de prothèses vasculaires contribue à leurs réponses biologiques telles que la remodélisation des tissus.
Le champ des propriétés pouvant être prises en considération est large : morphologie, cristallinité, chimie de surface, porosité, bio interactions, etc. Elles seront étudiées en fonction de la nature des matériaux et du dispositif final, du caractère invasif ou non du DM, de la durée d’exposition dans le cadre de l’utilisation prévue… et de façon plus générale, de l’évaluation des risques. Associées à ces paramètres, des techniques analytiques telles que la Microscopie Electronique à Balayage (MEB), la Microscopie Optique, les analyses d’extrême surface (TOF SIMS ou XPS) pourront être mises en œuvre.
Il peut être pertinent de caractériser ces propriétés physiques à l’état initial mais également sur des matériaux vieillis.
Etudier les produits de dégradation au cours du temps
Les matériaux utilisés dans la fabrication des dispositifs médicaux peuvent générer des produits de dégradation lorsqu’ils sont exposés à leur environnement biologique. Dans ce contexte, il est important de s’assurer de leur niveau de tolérabilité en menant des investigations permettant de les identifier et de les quantifier.
Pour les dispositifs médicaux non résorbables, les normes ISO 10993-13 (polymères), ISO 10093-14 (céramiques) et ISO 10993-15 (métaux) préconisent de ce fait la réalisation de tests de dégradation des matériaux dans des conditions aussi proches que possible de l’environnement d’application. Pour les polymères, la dégradation est par exemple simulée par hydrolyse ou par oxydation.
« A ce jour, Filab est l’un des seuls laboratoires en France à disposer au sein d’un même parc analytique de l’ensemble des techniques de caractérisation physico-chimique nécessaires à l’évaluation biologique d’un DM, » souligne Elisa Dewally
Les méthodes de caractérisation sont également décrites pour chaque typologie de matériaux :
- polymères : GPC, DSC, ATG, FTIR, Py-GC/MS…
- céramiques : granulométrie laser, BET, diffraction à rayons X, MEB-EDX, ICP…
- alliages métalliques : SEO, ICP, XPS, TOF-SIMS, MEB…
Lors de ces essais, si une modification telle qu’une perte de masse ou un changement de propriétés physiques est constatée, de nouvelles analyses pourront être nécessaires, que ce soit pour évaluer les risques liés aux produits de dégradation (caractérisation chimique de ceux-ci et niveau de toxicité) ou les nouvelles propriétés de surface directement sur le matériau dégradé (essais PMT).
En conclusion...
Les résultats obtenus au cours de ces différents essais de caractérisation physico-chimique serviront de données d’entrée à l’évaluation toxicologique selon l’ISO 10993-17. Ils permettront aussi de justifier ou non la réalisation d’analyses biologiques complémentaires. Ces données pourront également conduire à des modifications sur le choix des matériaux constitutifs, des optimisations de process ou un contrôle plus régulier des données fournisseurs.
* Exemples extraits de la norme ISO/TS 10993-19:2020 « Évaluation biologique des dispositifs médicaux — Partie 19: Caractérisations physicochimique, morphologique et topographique des matériaux »