L’évaluation économique des produits de santé par la HAS
Créée en 2008 dans le cadre des missions confiées à la HAS par la loi de financement de la sécurité sociale, la CEESP (Commission d’Evaluation Economique et de Santé Publique) a pour mission d’apporter la notion de « coût d’opportunité » dans la décision publique et celle des professionnels de santé.
Antoine Disset
Antoine Disset, consultant, AD-DM Consulting
L’expertise médico-économique de la CEESP doit en principe intervenir autant que de besoin en complément des expertises médicales de la commission de la transparence et de la CNEDiMTS (Commission nationale d’Evaluation des Dispositifs médicaux et des Technologies de Santé). Il s’agit pour cette commission de soumettre au collège de la HAS des recommandations et avis médico-économiques sur les stratégies de soins, de prescription ou de prise en charge les plus efficientes mentionnées à l’article L.161-37 du code de la sécurité sociale.
Les types d’évaluation économique de la CEESP
Que ce soit pour un acte, un médicament ou un dispositif médical, ce souci d’efficience a été défini selon trois niveaux d’évaluation économique.
- - Le premier compare deux interventions réalisées dans la même indication. Dans le cas d’une équivalence d’efficacité et de tolérance, la pratique la moins chère sera alors recommandée (cf. les inhibiteurs de la pompe à protons) ;
- - Le deuxième compare des interventions dont les effets ne sont pas équivalents et rapporte une analyse rationnelle du coût et du bénéfice clinique de chacune des interventions (cf. les stents actifs par rapport aux stents nus) ;
- - Le troisième est une évaluation dite « complète » car elle tient compte de l’efficacité, des coûts mais également des dimensions organisationnelles, sociologiques et éthiques (cf. dépistage du cancer du col de l’utérus).
L’évaluation coût-efficacité ou la recherche de l’efficience
Le prix élevé des médicaments orphelins, le renforcement des inégalités sociales de santé et l’apparition de nouveaux besoins telle que la dépendance ont conduit à mettre en place un cadre réglementaire économique indispensable pour assurer la pérennité du système.
L’évaluation du service médical rendu des technologies de santé en termes d’efficacité médicale individuelle (ratio bénéfice/risque) et d’intérêt de santé publique (population cible) comportera désormais une évaluation économique visant à définir les priorités en termes de dépenses en fonction du service rendu à la collectivité.
Cette analyse médico-économique permettra de classer les produits de santé en fonction de leur efficacité et de leur coût pour la collectivité et d’éclairer les décideurs publics sur les éventuelles disproportions du rapport coût/efficacité.
Deux publications de la CEESP définissant le cadre de l’évaluation
Le guide intitulé « L’évaluation économique à la HAS – Principes et méthodes » mis en ligne en décembre 2010 correspond à la synthèse des principaux débats théoriques réalisés entre le Collège des économistes de la santé et les économistes de la CEESP dans une approche comparative avec certaines « agences » européennes de la HTA « Health Technologie Assessment » pratiquant ce type d’évaluation (NICE, IQWIG, etc.). Ce guide, qui a été soumis à une consultation publique afin d’enrichir sa version finale, a pour but de présenter les principes fondamentaux et les choix méthodologiques appliqués aux évaluations médico-économiques tout en indiquant les conditions de réalisation d’études économiques pertinentes et méthodologiquement fondées.
En second lieu, un guide méthodologique a été mis en ligne en novembre 2011 et distribué lors des journées de la HAS 2011. Il s’intitule : « Choix méthodologiques pour l’évaluation économique à la HAS » . Ce document correspond à la version la plus aboutie du guide méthodologique. Il présente les 20 recommandations méthodologiques de la HAS, résumées ainsi tableau 1.
L’évaluation des produits de santé en vue de leur inscription au remboursement
Auparavant, l’évaluation médico-économique des produits de santé était réalisée de préférence lors de la révision des lignes génériques d’un ensemble de produit. Elle pouvait néanmoins s’effectuer à titre exceptionnel lors de leur inscription au remboursement. Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale de 2012 – PLFSS – (article 33 qui entérine le rôle de la CEESP), la mission médico-économique de la HAS pourrait évoluer vers un recours plus fréquent (mais non systématique) à l’évaluation économique en première inscription pour les médicaments et dispositifs médicaux. De plus, il est apparu lors de la dernière journée de la HAS (Lyon, novembre 2011), un intérêt commun entre la CEESP et le CEPS (Comité économique des Produits de Santé) de réaliser dans certains cas à la demande du CEPS des avis dits « flash » par la CEESP, afin d’analyser le caractère coût-utilité du produit ou de la prestation lors de sa primo-inscription. Le nombre de ces avis sera limité et ils devront être réalisés rapidement. Il reste cependant à définir les critères d’éligibilité, le type de données à évaluer, les délais d’évaluation ainsi que l’articulation avec l’avis médico-technique de la CNEDiMTS ou de la commission de transparence et son impact sur la fixation du prix et du taux de remboursement. En effet, comment le CEPS dont la fonction essentielle est de fixer le prix des produits de santé en vue de l’évaluation du service médical rendu inclura-t-il dans son analyse l’évaluation économique de la CEESP ?
Il apparait donc, dans ce cadre défini par la PLFSS 2012 et à la demande du Ministre, que l’évaluation économique prend une place majeure dans l’évaluation des produits de santé, que ce soit lors d’une primo-inscription, lors du renouvellement et de la demande d’étude post-inscription ou dans l’évaluation des descriptions génériques.
Cependant, dans ce schéma organisationnel fort utile dans le contexte actuel de réduction des dépenses de santé, quelle place les pouvoirs publics réservent-ils à l’innovation et au développement d’un pôle industriel français compétitif pour qui cette démarche se traduira forcément par des exigences supplémentaires conséquentes, notamment dans le délai de traitement des dossiers ? Un sujet à suivre de près…
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